Texte original ici, paru le 23 décembre 2022 sur le site militant elComun.es.
Aujourd’hui, au lendemain de l’approbation de la « Loi trans » au Congrès des Députés, les femmes de Feministes de Catalunya se sentent profondément lésées, frustrées, déçues et impuissantes.
Escroquées, parce que toutes les avancées en matière d’égalité homme femme de ces 40 dernières années, cristallisées dans notre système juridique, sont lettre morte dès le moment où il devient impossible de faire la moindre distinction entre les femmes et les hommes. En raison de la libre autodétermination du sexe déclaré, tout homme devient une femme dès lors qu’il le déclare, sans aucun garde-fou, et à toutes fins utiles.
Lésées, parce que l’incroyable exercice d’argumentation et d’effort pédagogique délivré par le mouvement féministe pour expliquer, de manière rationnelle, les conséquences perverses et néfastes de la législation transgenre, flagrantes dans les pays qui nous entourent [Écosse, Royaume-Uni, États-Unis. NdT] et dans notre propre pays, s’est heurté à l’arrogance politique et au mépris intellectuel, ainsi qu’à des accusations de haine absurdes et infondées, et à des stratégies de déshonneur par association ridicules, profondément injustes, avec l’extrême droite.
Déçues, car ce n’est pas la droite — l’ennemi historique des droits des femmes — qui a perpétré cette ignominie, mais notre propre camp politique, la gauche, et avec nos propres votes. La gauche a bu le cadre idéologique du néolibéralisme culturel jusqu’à la lie, lequel, à partir d’un individualisme narcissique, permet de transformer les désirs en droits et les droits en un marché de consommation. La gauche a fait passer les profits de l’industrie pharmaceutique avant les droits et le bien-être des enfants.
Impuissantes, parce que nous savons que même si l’histoire finira par nous donner raison, la loi approuvée aura le temps de faire beaucoup de dégâts avant d’être corrigée : des dégâts pour les femmes qui se retrouvent sans protection face à leurs agresseurs, avec la perte d’espaces non mixtes sûr et exclusivement réservés aux femmes — comme les prisons — où les violeurs qui se déclarent femmes peuvent entrer, et des dégâts pour les enfants qui sont amenés à subir des traitements hormonaux expérimentaux et des traitements à vie aux conséquences irréversibles.
Nous savions qu’il serait très difficile d’arrêter un projet de loi qui répond à une opération marketing largement financée par le lobby pharmaco-industriel mondial, et qui débouche sur la prochaine phase de l’exploitation capitaliste : l’exploitation des corps comme objets de consommation. Nous avions tous les dossiers entre nos mains contre le passage de cette loi.
Mais cette loi n’aura pas été votée dans le silence du consensus et de l’indifférence : nous avons réussi à faire du bruit. Nous n’allons pas nous décourager maintenant, car si cette loi a été adoptée au nom du féminisme, lorsque les problèmes et les victimes commenceront à faire surface [c’est déjà le cas, mais les médias n’aiment pas couvrir ces sujets. Extraordinairement, Reuter, le New York Times et le Guardian ont récemment et timidement tenté un bémol médiatique concernant les prescriptions de bloqueurs de puberté et d’hormones aux mineur·es. NdT], nous ne permettrons pas qu’une telle absurdité soit attribuée au féminisme. Et nous ne nous découragerons pas, aussi parce qu’à chaque fois qu’une fille devra affronter les bombardements de misogynie sexualisante et la violence sexiste de la société, et qu’elle se mettra à croire qu’il vaudrait peut-être mieux essayer de devenir un homme, il y aura toujours l’une d’entre nous — une féministe — pour lui donner les outils d’analyse, afin qu’elle comprenne que le problème ne vient pas elle mais de la société.
Le temps nous donnera raison. En attendant, ne nous laissons pas décourager, sœurs-camarades, nous avons perdu cette bataille, mais la lutte continue.