FRANCE : Une plainte pour « mégenrage » déposée contre une militante des droits des femmes
Par Geneviève Gluck Le 6 mars 2023
La journaliste féministe Dora Moutot [G] et l'homme politique transidentitfié Marie Cau [D].
Une militante médiatique des droits des femmes en France est poursuivie devant le tribunal pénal pour avoir « mégenré » deux personnalités transgenres. Dora Moutot, auteur de best-sellers et influenceuse sur les réseaux sociaux, fait l'objet d'une plainte pour insultes sur la base de l'identité de genre et d’incitation publique à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes sur la base de leur identité de genre.
Deux associations LGBT, Mousse et SOS Homophobie, soutiennent la plainte déposée contre D. Moutot le 15 février au nom du maire de Tilloy-lez-Marchiennes, un homme transidentifié nommé Marie Cau, et de Hanneli Escurier, une journaliste qui s'identifie comme un homme.
L'un des incidents cités dans la plainte concerne les commentaires émis par D. Moutot en octobre dernier au cours d'un épisode de l'émission populaire Quelle Époque !
La journaliste Léa Salamé a demandé à D. Moutot si elle considérait le maire comme une femme, ce à quoi D. Moutot a répondu : « Pour moi, Marie Cau est un homme ». Un communiqué publié par Mousse accuse D. Moutot d'avoir « violemment attaqué » M. Cau en le traitant à la fois d'homme et « d’homme transféminin ».

M. Cau, dont le prénom est Nicolas, s'est fait connaître en France après avoir été élu aux municipales en 2020 et a été célébré dans les médias comme le premier maire transgenre du pays. Après avoir remporté l'élection dans la petite ville de Tilloy-lez-Marchiennes, qui compte moins de 500 habitants, M. Cau a exprimé son ambition de se présenter aux présidentielles.
L'année dernière, M. Cau a publié une autobiographie intitulée Madame le Maire dans laquelle il décrit son envie de porter des vêtements féminins, une activité qui, selon lui, lui apporte « l’apogée du bonheur ». [« Notamment pour mes robes, que je dissimule au fond du tiroir du milieu de ma commode. Je les revêts environ toutes les trois semaines. L’apogée du bonheur, puis la honte. »
[C’est un exemple de comportement typique d’un homme autogynéphile/fétichiste du travestissement.]
« Une fois seul à la maison, j'ai mis mes vêtements de fille. Un sentiment de bonheur, de libération. Ainsi habillé, je peux parler de moi au féminin et je peux respirer », écrit M. Cau. « Enfin, je suis moi-même. Je suis moi-même. Peu après la puberté, je me maquillais aussi... C'est devenu un peu comme une drogue, une addiction, parce que c'est tellement bon que j'essayais de retrouver ce plaisir ».
Dans son autobiographie, M. Cau décrit également son divorce avec sa femme et s'insurge contre le système judiciaire, qui a accordé la garde de leurs enfants à son ex-femme.
«(…) la femme est toujours victime en face de l’homme, toujours bourreau, souvent accusé de violence ou d’alcoolisme. (…) Le juge m’ordonne de quitter le domicile conjugal sur-le-champ et ne m’octroie qu’un droit de visite limité », une sentence qui selon lui est « de celles que la justice réserve traditionnellement à un père défaillant, voire violent »
[Il s’agit d’un discours idéologique masculiniste, relayé par les associations de types « SOS Papa » et « SOS exclusion parentale» (pour les pères et dont la première page du site présente une longue diatribe de rhétorique masculiniste.]
En plus d'avoir « mégenré » M. Cau, D. Moutot a également été accusée de « transphobie » pour un post Instagram qu'elle a fait le 25 août 2022, où elle a qualifié Hanneli Escurier de « femme transidentifiée ». Hanneli Escurier, qui utilise le nom online de Hali Bottom [tant pis pour celles et ceux qui ne comprennent pas la référence, je ne veux pas expliquer ceci], est une femme mais s'identifie comme un homme et travaille comme journaliste pour le principal média LGBT en France, Têtu. Le magazine a été annoncé comme étant destiné aux « gays et lesbiennes » jusqu'en 2007, date à laquelle il a été rebaptisé pour s'adresser exclusivement aux hommes gays. [Son équivalent anglo est Pink news, surnommé « Penis news »].
S'adressant à Reduxx, D. Moutot a déclaré que H. Escurier encourageait la violence à l'encontre des femmes qualifiées de « TERF » et avait menacé d’attenter à l’intégrité physique de D. Moutot elle-même lors d'une soirée-évènement drag organisée en 2020 dans un club parisien appelé La Mutinerie. TERF est un acronyme qui signifie « trans exclusionary radical feminist » (féministe radicale trans-exclusive) et est fréquemment utilisé comme une insulte pour dénoncer la femmes ciblée ou pour inviter au harcèlement contre les femmes qui remettent en question les politiques sur l'identité de genre.
[Alors que les féministes défendent les droits sexo-spécifiques des femmes, peut-importe la manière dont elles s’identifient. Les seuls que les femmes excluent de leurs droits sexo-spécifiques, ce sont les individus de sexe masculin, les hommes, peut-importe comment il s’identifient].
D. Moutot n'était pas au courant des menaces qui pesaient sur elle jusqu'en 2022, lorsque H. Escurier a publié sur Instagram une vidéo de sa prestation en 2020. Dans le clip, H. Escurier est habillée comme un boxeur et on la voit brandir une pancarte sur laquelle on peut lire « Dora Moutot et les autres TERF ». Elle dit ensuite « Ça va saigner ».

D. Moutot a diffusé la vidéo sur ses réseaux sociaux pour souligner les violences qu'elle subissait et a qualifié H. Escurier de « femme transidentifiée ». L'un des avocats impliqués dans la plainte pénale contre D. Moutot, Etienne Deshoulières, a déclaré que le fait d'appeler H. Escurier une femme était une « insulte discriminatoire », car cela « lui rappelle le rejet dont elle est l'objet au sein de la société ».
[Là. On marque une pause. Relisez cette phrase. Rappeler à une femme qu’elle est une « femme » (dans une société misogyne qui produit des femmes auto-misogynes ayant tellement intériorisé leur oppression qu’elles ne peuvent pas se respecter ni s’aimer et ont besoin de se voir comme des hommes) est une insulte discriminatoire. Magnifique, n’est-ce pas ?]
« La lutte des personnes transgenres est donc avant tout une lutte constante pour exister, pour être reconnues en tant que personnes transgenres. Alors lorsque Dora Moutot déclare qu’Hanneli Escurier est «une femme transidentifiée» et que Marie Cau est «un homme transféminin», elle frappe précisément là où cela blesse. Elle nie leur existence en tant que personne transgenre dans une société encore largement transphobe», dit Etienne Deshoulières.
Dora Moutot collecte des fonds pour couvrir ses frais d'avocat et a souligné l'importance du procès intenté contre elle pour « mégenrage » en matière de liberté d'expression. « En attaquant Dora Moutot, ces associations qui défendent deux transactivistes tentent de montrer qu'en France, bientot nous n'aurions plus le droit de décrire la réalité biologique sans s'exposer à des poursuites judiciaires. C'est une attaque envers la liberté d’expression pour tous les français·es », peut-on lire sur sa page crowdfunder.
Auparavant, d'éminentes personnalités politiques françaises ont publiquement condamné, voire moqué, D. Moutot sur les réseaux sociaux pour ses déclarations sur le sexe biologique. À la suite d'une interview publiée dans Le Figaro en août dernier, la sénatrice Mélanie Vogel des Verts (EELV) a raillé D. Moutot sur Twitter, déclarant que « les transphobes ne sont pas des féministes ». Le tweet avait partagé une photo de D. Moutot accompagnée d'une citation : « Une femme est une femelle humaine adulte, c'est une réalité biologique. Seules les femmes sont capables de donner la vie. C'est un privilège ».


D. Moutot a expliqué à Reduxx qu'elle a été harcelée sans relâche par des transactivistes depuis plusieurs années, à compter de 2019.
« Cela fait presque quatre ans que je suis harcelée par des transactivistes pour avoir dit qu'une femme est une femelle humaine et non un sentiment », a-t-elle déclaré. « Ils m'envoient des insultes et des menaces, ils mettent mon adresse de domicile online, et ils ont ruiné ma réputation en disant que je suis transphobe, et que je suis une complice de l'extrême droite. » Elle a également souligné que des transactivistes on mené des efforts soutenus pour la priver de sa sécurité financière, en faisant pression sur ses sponsors pour qu'ils la laissent tomber.
L'incident qui a déclenché la campagne de harcèlement contre D. Moutot a eu lieu en 2019, lorsqu'un homme transidentifié a dénoncé la « transphobie » de Moutot après qu'elle ait publié des informations sur le clitoris. Le travail de D. Moutot se consacrait à l'anatomie et la sexualité féminines, et elle avait organisé une campagne de sensibilisation à l'anatomie du clitoris et à la santé sexuelle.
« Selon cet individu, militer pour une plus grande plus visibilité, connaissance et éducation autour de l’organe clitoris, ainsi que tout le contenu de mon compte @tasjoui serait “essentialisant”, “LGBTphobe”,“transphobe” et “non inclusif”.», a déclaré D. Moutot dans un billet de blog.
Le harcèlement a commencé à s'intensifier et est rapidement passé des réseaux sociaux au monde réel. En octobre 2021, le deuxième livre de D. Moutot, Mâle Baisées, a été publié. Le texte traite de divers aspects de la sexualité féminine, de l'orgasme à l'objectivation et aux mutilations génitales féminines.
Les transactivistes ont exigé que les magasins cessent de vendre le livre de D. Moutot.
À la suite de la publication du livre, une transactiviste a tenté de faire retirer Mâle Baisées des librairies, allant même jusqu'à faire imprimer des étiquettes d'avertissement condamnant le contenu comme transphobe. « Acheter, c'est participer » à la « discrimination », pouvait-on lire sur l'avertissement, qui comportait un lien vers le compte de réseau social de la militante trans.
Dans une interview accordée l'année dernière à Women's Declaration International (WDI), D. Moutot a expliqué qu'après que des militants trans aient commencé à la traiter de « TERF » pour avoir parlé d'anatomie féminine, elle a commencé à remettre en question les discours autour de l’identité de genre.
« J'ai commencé par être une féministe libérale, comme beaucoup de jeunes femmes », a déclaré D. Moutot. « J'ai créé une page appelée @tasjoui sur la sexualité féminine, et je n'arrêtais pas de parler des organes féminins. Au bout de deux ans, un transactiviste m'a repérée et a commencé à vouloir policer la manière dont je devais parler ». Il m'a dit : « Tu n'es pas assez inclusive et tu dois parler de nous, les femmes trans ».
C'est l'expérience de l'étiquette « TERF » qui a amené D. Moutot à comprendre les critiques féministes des industries de la pornographie et de la prostitution. [Il reste des progrès à faire de ce côté !] Pour elle, l'abus a eu l'effet inverse de celui escompté et l'a motivée à critiquer plus ouvertement l'idéologie de l'identité de genre.
Récemment, D. Moutot s'est associée à l'activiste féministe Marguerite Stern : en début d’année, elles ont lancé un projet de campagne en collaboration appelé Femelliste, qui « lutte pour maintenir les droits des femmes basés sur le sexe ». M. Stern a vécu des expériences similaires à celles de D. Moutot et est devenue la cible des transactivistes pour son travail, qui consiste à sensibiliser le public à la violence masculine à l'encontre des femmes et des filles.
« Nous sommes en colère. Nous vivons une époque absurde où la réponse à la question "Qu'est-ce qu'être une femme ?" n'est plus évidente pour tout le monde. Selon certains médias, universitaires, militants, personnalités politiques et institutions, être une femme est désormais un sentiment et non une réalité biologique », expliquent D. Moutot et M. Stern sur le site Femelliste.
Les tensions entre les défenseurs des droits des femmes et les transactivistes n'ont cessé de croître ces dernières années. Lors d'une manifestation organisée à Paris pour commémorer la Journée internationale des droits des femmes en 2021, des femmes opposées à l'industrie du sexe ont été violemment menacées par des transactivistes qui assistaient à la manifestation et s'apprêtaient à les agresser.
De nombreuses femmes étaient elles-mêmes des survivantes de l'industrie du sexe, et les deux groupes, le Collectif Abolition PornoProstitution (CAPP) et le groupe féministe L'Amazone, étaient soutenus par M. Stern, qui était également présente et tenait une pancarte sur laquelle on pouvait lire « Vive le sexe féminin ! » Des transactivistes lui ont lancé des œufs et ont taggué à la bombe une menace de mort près de l'endroit où ils s'étaient rassemblés.
D. Moutot a partagé avec Reduxx des images plus récentes de graffitis de rue repérés à Paris qui appellent au meurtre des « transphobes ». Les messages sont les suivants : « Tu es transphobe ? Meurs ». Elle a également vu des graffitis portant son nom, la qualifiant de « danger » pour la société.
« Beaucoup de luttes des femmes sont liées à la façon dont nous sommes traitées parce que nous sommes des femmes. Dans certains pays, c'est parce qu'on est une femme qu'on ne peut pas faire telle ou telle chose. Même l'écart de rémunération est à l'origine lié au fait que nous pouvions tomber enceintes. Ne pas reconnaître cela ne nous mènera nulle part », a-t-elle déclaré à Reduxx.
« Je pense également que nous avons besoin d'un sens commun de la réalité. Tout le monde peut distinguer un homme d’une une femme juste en regardant quelqu'un pendant une seconde. C'est quelque chose de naturel que nous avons toutes et tous dans le cerveau, la capacité de distinguer entre homme et femme », a déclaré Moutot. « Les transactivistes sont en guerre contre la réalité, mais ce n'est pas parce qu'ils ne l'aiment pas que nous devons toutes et tous être d'accord avec eux. »
D. Moutot explique à Reduxx que si elle est reconnue coupable sur la base des motifs de la plainte, elle risque d'être condamnée à une peine de prison avec sursis ou à une amende. Mais elle n'est pas sans soutien dans son pays d'origine. Le 27 février, une lettre collective a été publiée dans Marianne, signée par plus d'une douzaine d'intellectuel·les de renom qui la défendent contre la plainte.
S'appuyant sur la liberté d'expression, les signataires affirment que « les militants de la transidentité tentent de mettre en pratique leur mantra : "La transphobie n'est pas une opinion, c'est un crime" ».
Les signataires comprennent un échantillon de noms internationalement reconnus dans les domaines de la médecine, des droits humains, du journalisme, etc. Parmi eux, la journaliste britannique Julie Bindel, l'ancienne rédactrice de Charlie Hebdo Zineb El Rhazoui et la militante des droits humains Fadila Maaroufi.
La lettre invite les lectrices et lecteurs à s'interroger sur la direction que prendra la France et souligne la détérioration de la liberté d'expression dans d'autres pays, comme au Canada, en raison de l'idéologie du genre.
« En France, les psychologues Caroline Eliacheff et Céline Masson (autrices du livre La fabrique de l’enfant transgenre), Marguerite Stern (militante féministe), Sophie Robert (réalisatrice du documentaire Mauvais genre), et d’autres, sont perpétuellement harcelées, menacées, diffamées, injuriées, violentées physiquement. Parce qu’elles dénoncent les dérives du transgenrisme. Seront-elles bientôt arrêtées par la police elles aussi ? Voulons-nous que la France prenne le même chemin que le monde anglo-saxon ? Dans quelle société voulons-nous vivre ? »