Les troubles du développement sexuel (DSD) masculins et le sport
Dans le cadre de notre série sur les troubles du développement sexuel (DSD) masculins et leur impact sur le sport, je vous présente deux nouvelles traductions commentées. La première porte sur le syndrome de La Chapelle, également connu sous le nom de « mâle XX ». La seconde aborde, sous forme de questions-réponses, les différents types de DSD masculins et leur relation avec l'avantage masculin dans le sport.
Ces textes sont tirés des travaux et tweets pédagogiques de Zachary Elliott, auteur de Binary: Debunking the Sex Spectrum Myth et d'Emma Hilton, biologiste du développement.
En réponse aux interrogations soulevées par certaines lectrices concernant le Syndrome d'Insensibilité Complète aux Androgènes (CAIS), j’apporte des éclaircissements dans les commentaires de cet article.
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1. Le syndrome de La Chapelle : Une explication détaillée
Les hommes présentant un caryotype XX, bien que rares, sont considérés comme des hommes à part entière. Leur plan corporel est en effet organisé autour de la production et de la libération de spermatozoïdes. Cette configuration particulière résulte de leur développement et de la génétique spécifique aux mâles.
Ils possèdent des testicules et un pénis.
Ils sont dotés du gène « faiseur-de-mâle » appelé SRY, qui déclenche la cascade de gènes menant à la différenciation des testicules. Par la suite, les cellules qui deviendront des gamètes, appelées cellules germinales primordiales, migrent dans la gonade. Là, elles réagissent à des signaux uniques provenant du tissu testiculaire. Ces signaux leur indiquent de « fabriquer des spermatozoïdes ! » C'est ainsi que les cellules germinales primordiales (PGC) commencent à se différencier en jeunes spermatozoïdes, nommés spermatogonies.
Cependant, en l'absence de la région génétique AZF du chromosome Y, ces jeunes spermatozoïdes s'arrêtent à un stade immature de leur développement. Ils nécessitent la région AZF pour parvenir au stade de spermatozoïdes matures et fertiles. Bien qu'ils puissent produire un éjaculat, celui-ci ne contient pas de spermatozoïdes matures et fertiles (azoospermie).
Une thérapie génique future pourrait potentiellement rétablir le développement des spermatozoïdes et assurer la fertilité. Des tests ont déjà été menés avec succès sur des souris mâles dépourvues de cette région. Ces mâles XX sont conceptuellement similaires aux mâles XY auxquels il manque les régions AZF, ce qui entraîne également l'azoospermie.
Il n'y a aucune raison de les considérer comme des « femelles », sauf si l'on pense qu'une femelle peut avoir des testicules, un pénis, aucun organe féminin, et que son plan corporel s'organise autour de la production de petits gamètes. C'est littéralement l'opposé de la définition d'une femelle. Il s'agit bien d'un mâle.
2. Série de questions-réponses autour des DSD masculins et du sport
« Si un individu est XY et que la testostérone influence son apparence, doit-on le considérer comme un homme ?
- Oui, particulièrement si le taux de testostérone se situe dans la fourchette masculine. Il est très probable que les testicules en soient la source.
« Le CAIS (Syndrome d'Insensibilité Complète aux Androgènes) implique une insensibilité totale aux androgènes, donc la testostérone n'affecte pas leur corps.
- Exact.
[Les mâles CAIS 46 XY ne ressemblent pas aux mâles tels que Caster Semenya. Iels naissent avec des organes génitaux d’apparence femelle ainsi que des testicules internes et sont « assignés femelles » à la naissance. À la puberté, leur testostérone est convertie en œstrogènes à travers un processus appelé « aromatisation » (l’aromatase est l’enzyme responsable de la conversion des androgènes (testostérone) en œstrogènes (estradiol et estrone)).
Le résultat est un individu génétiquement mâle, avec des testicules internes et des structures et tissus femelles : un vagin, une vulve et des lèvres majeures et mineures. Car les œstrogènes (obtenues par aromatisation de la T) déclenchent à la puberté un développement structurel des tissus femelles, avec une distribution de la graisse typiquement femelle ainsi que des tissus mammaires.
Iels sont infertiles, et ne pourraient être définis comme « des femmes masculinisées » par les gens confus, comme c’est le cas pour les athlètes mâles 5-ARD, justement parce qu’iels n’ont rien de masculinisé.
Le consensus médical les considère « femelles » par rapport à leurs tissus, mais les biologistes du développement les considèrent « mâles » puisque, sans l’anomalie de l’insensibilité aux androgènes, leurs corps se serait développé en mâle typique.
Qu’en est-il du sport ? Ces individues ne pourraient concourir contre les mâles. Mais devraient-iels concourir contre les femelles ? Un individu CAIS entraîné à haut niveau, a-t-iel des avantages par rapport aux femmes ? Techniquement, non.
Toutefois, la catégorie femme n’a pas vocation à recevoir les mâles DSD. Les femmes ont droit à leur catégorie.]
« Et le syndrome de Swyer ne produit pas de testostérone, il n'y a donc rien qui puisse les masculiniser. »
- Correct. Iels produisent de la testostérone à partir de leurs glandes surrénales, mais cette production est négligeable, se situant autour des niveaux féminins, voire en dessous.
[Qui plus est, ce syndrome vient avec des problèmes de santé qui ne sont pas compatibles avec de la compétition à haut niveau.]
« Il reste donc la condition du déficit en 5α-réductase (5-ARD), ce qui signifie qu'ils ont de la testostérone et que celle-ci affecte leur organisme. Ils peuvent ou non produire de petits gamètes, ce qui peut être lié ou non à la quantité de dihydrotestostérone qu'ils produisent. Il est donc possible que les hommes atteints de déficit en 5α-réductase produisent suffisamment de petits gamètes pour engendrer un enfant. » [Tel que Caster Semenya l’a fait deux fois avec succès.]
- Effectivement, ils peuvent souvent produire des spermatozoïdes. Ils ont des niveaux masculins de testostérone [normaux], ce qui androgénise leur corps.
«Mais qu'ils produisent ou non des gamètes de petite taille, le déficit en 5α-réductase caractérise un mâle. »
- Correct. [Et leur musculature, ossature, capacité pulmonaire, etc., sont celles d’un homme typique, leur conférant les performances masculines typiques. Ce sont les Semenya et possiblement Lin et Khelif.]
« L'objectif est donc d'effectuer un premier dépistage pour détecter la présence d'un corpuscule de Barr afin de déterminer s'il s'agit d'un double X, ce qui impliquerait un risque minime de problème. [Ici l’apprenante se trompe, elle fait référence à l’ancien protocole de test.] S'il s'agit d'un XY, d'autres tests sont nécessaires pour vérifier la présence de testostérone dans le corps et si celui-ci y est sensible. Si c'est le cas, il est certain qu'il s'agit d'un homme et qu'il n'est pas éligible pour certaines catégories sportives. »
- C'est exact. Cependant, concernant le dépistage initial, un caryotype peut également vérifier la présence de gènes tels que SRY. [Ce qui est requis dans les tests actuels, dont ceux réalisés sur Lin et Khelif.] Nous avons donc dépassé le stade de la simple recherche des corpuscules de Barr (la structure compacte du deuxième X inactif chez les femmes).
Précision d’Emma Hilton sur les hommes XX et les tests de sexe [et non pas « de genre », ce n’est pas le concours Miss France…] dans le sport : il faut comprendre le processus de dépistage et les types de tests proposés. Premièrement, les mâles XX sont des mâles. Deuxièmement, il est peu probable qu'ils essaient d'entrer dans les catégories sportives féminines, à moins qu'ils ne trichent ou ne prétendent être des femmes. [Ahem]. Troisièmement, le caryotype moderne tient compte du nombre de chromosomes X et de la présence du gène SRY « faiseur-de-mâle ».
Voici un mâle XX sous le microscope. Les signaux verts sont les deux X, Le signal rouge est le gène SRY.
« S'il n'y a pas de sensibilité à la T, la personne aura une apparence féminine et n'aura pas d'avantage masculin puisque la testostérone ne peut pas l'affecter. Mais serait-elle toujours considérée comme un homme ? Aurait-elle les autres caractéristiques masculines, comme des poumons plus grands ? Un métabolisme différent ? Des éléments de ce type ? »
- Dans les cas de CAIS [que nous avons vu plus haut], le sexe génétique est masculin, mais la structure musculaire et osseuse est féminine. À ma connaissance, la capacité cardiaque, pulmonaire, etc., sont également féminines. En général, pour presque tous les paramètres, ils présentent une physiologie féminine en raison de l'aromatisation de la testostérone qu'ils produisent en œstrogènes. On peut considérer que le corps rejette fondamentalement le développement masculin au-delà de la différenciation initiale des gonades en testicules.
« Je suppose que ma question est la suivante : les personnes XY sont-elles toujours des hommes, mais certaines d'entre elles n'ont pas d'avantages masculins ? »
- En termes de pourcentages, la grande majorité des personnes atteintes d'un trouble du développement sexuel XY sont biologiquement des hommes. Au sein de ce groupe, on distingue deux catégories principales :
Ceux qui n'ont pas d'avantage masculin apparent, comme dans le cas du Syndrome d'Insensibilité Complète aux Androgènes (CAIS). Bien qu'ils soient génétiquement mâles en raison de la présence de testicules, leur physiologie ne présente pas les caractéristiques typiquement masculines.
La plupart des autres DSD mâles XY conservent un avantage masculin significatif. C'est notamment le cas pour le déficit en 5α-réductase.
[Il est important de noter une disparité statistique frappante : alors que les hommes atteints de 5-ARD ne représentent qu'une naissance sur 20 000 dans la population générale, on les retrouve dans une proportion de 1 pour 421 athlètes en catégorie féminine. Cela signifie qu'ils sont surreprésentés 47 fois plus dans le sport féminin que dans la société en général. (Ferguson-Smith, M.A. Bavington, L.D. (2014))
Cette disproportion soulève des questions sérieuses sur l'équité dans le sport féminin. Elle suggère la possibilité d'une exploitation systématique de ces conditions médicales pour obtenir un avantage compétitif injuste, une pratique qui semble être tolérée malgré son impact potentiel sur l'intégrité des compétitions féminines.]