Caster Semenya : questions & réponses relatives au DSD 5-ARD
Quels avantages physiques pour les athlètes masculins qui concourent contre les femmes ?
Traduit par Nicolas Casaux.
À propos de Caster Semenya et de son type de DSD, la biologiste de l’évolution états-unienne Carole Hooven — autrice du livre T: The Story of Testosterone, the Hormone that Dominates and Divides Us (« T : L'histoire de la testostérone, l'hormone qui nous domine et nous divise »), paru en 2021 — note :
« On m'a demandé si les hommes atteints du type de DSD appelé 5-ARD (qui empêche les individus qui en sont atteints de convertir la testostérone en un androgène plus puissant, la DHT) bénéficient des avantages typiques de la puberté masculine, qui confèrent une supériorité en matière de force et de vitesse par rapport aux femmes. Cela s’avère pertinent pour savoir si les athlètes masculins atteints de 5-ARD devraient être autorisés à concourir dans la catégorie féminine.
Il s'agit d'une excellente question, car il se pourrait que la DHT soit nécessaire au développement et au maintien des muscles, de la masse corporelle maigre et de la force typiquement masculines. Si tel était le cas, les personnes atteintes de 5-ARD ne bénéficieraient peut-être pas de l’avantage masculin, car l'absence de DHT pourrait mener à un schéma plus féminin au niveau de la répartition de la graisse, de la masse corporelle maigre et de la force. Je me suis moi-même posé cette question et j'ai examiné les données disponibles. Le meilleur chercheur dans ce domaine, Shalendar Bhasin, qui est scrupuleux dans ses méthodes, a examiné cette question. La réponse semble être : non, la testostérone n'a pas besoin d'être convertie en DHT pour exercer ses effets anabolisants typiques.
Ces conclusions sont rapportées dans son étude de 2012, “Effect of Testosterone Supplementation With and Without a Dual 5α-Reductase Inhibitor on Fat-Free Mass in Men With Suppressed Testosterone Production, A Randomized Controlled Trial” (“Effet d'une supplémentation en testostérone avec ou sans un double inhibiteur de la 5α-réductase sur la masse grasse chez les hommes dont la production de testostérone est supprimée, un essai contrôlé randomisé”). (Comme il s'agit d'une publication payante, j'ai inclus les graphiques qui montrent les comparaisons entre le placebo et les conditions inhibées par la DHT, sans différence sur les divers résultats).
Pour plus de détails, les chercheurs ont voulu examiner les effets de la suppression de la DHT sur la masse musculaire, la force et la fonction sexuelle. Cela importe car l'un des traitements de l'hyperplasie bénigne de la prostate et de la calvitie masculine consiste à supprimer la DHT, mais les cliniciens s'inquiètent des effets de ce traitement sur d'autres paramètres qui affectent la santé et la qualité de vie.
Les participants (des hommes en bonne santé, âgés de 18 à 50 ans et présentant des taux de testostérone normaux) ont vu leur taux de testostérone bloqué et ont reçu des doses graduelles de testostérone, ainsi qu'un placebo ou un médicament inhibant la conversion de la testostérone en DHT. Les deux groupes ont donc reçu de la T, mais un seul, le groupe placebo, a également secrété de la DHT. Après 20 semaines de traitement, l'évolution de la masse maigre, des muscles et de la force a été évaluée. Aucune différence significative n'a été constatée entre le groupe placebo et le groupe avec blocage de la DHT.
Pour BEAUCOUP plus de détails, voici le texte des résultats. Évitez de me poser des questions sur l'étude. Il suffit de consulter le résumé et les résultats, que vous pouvez facilement trouver. Le point principal est que, même si des effets pouvaient être prévus en fonction des différentes doses de testostérone reçues, il n'y avait pas de différences dans les résultats selon qu'ils avaient bloqué la DHT (avec le dutastéride) ou non (placebo).
“Masse sans graisse : La masse sans graisse et la masse maigre ont augmenté de manière dose-dépendante dans les groupes placebo et dutastéride [le médicament qui bloque la conversion de la testostérone en dht] (Figure 2). Les variations de la masse grasse étaient liées à la dose de testostérone et aux variations des concentrations de testostérone dans les groupes placebo et dutastéride, mais ne différaient pas entre les groupes ; la différence moyenne ajustée à la dose (placebo moins dutastéride) de la masse grasse était de 0,50 kg (IC à 95 %, -0,22 à 1,22 kg ; P = 0,18). Il n'y a pas eu d'interaction significative entre la dose de testostérone et la randomisation pour le dutastéride ou le placebo, ce qui suggère que la relation entre la dose de testostérone et la variation de la masse sans graisse ne diffère pas entre le groupe dutastéride et le groupe placebo. Les lignes de régression lissées basées sur un modèle, obtenues par des modèles additifs généralisés, décrivant la relation entre les variations des concentrations de testostérone et les variations de la masse sans graisse et de la masse maigre, étaient similaires dans les groupes placebo et dutastéride. Les variations de la masse grasse étaient négativement liées à la dose et aux concentrations de testostérone, mais la relation entre la variation de la masse grasse et la dose ne différait pas significativement entre les groupes placebo et dutastéride (P = 0,41 ; Figure 2).”
“Force musculaire : la force de flexion des jambes et la force de flexion de la poitrine ont augmenté en fonction de la dose dans les groupes placebo et dutastéride. Les augmentations de la force de flexion des jambes et de la force de flexion de la poitrine étaient plus importantes avec des doses plus élevées et des concentrations plus élevées de testostérone. Ces relations ne différaient pas entre les groupes placebo et dutastéride (Figure 2).”
Un commentaire très intéressant des auteurs sur le rôle de la DHT chez l'homme adulte :
“Pourquoi alors le système stéroïdien 5α-réductase a-t-il évolué pour les androgènes ? Quarante-six hommes XY présentant un déficit en stéroïde 5α-réductase présentaient des organes génitaux externes ambigus ou féminins à la naissance et un faible développement de la prostate, mais ont connu un développement musculaire et osseux normal au cours de la transition pubertaire. Le phénotype de ces patients suggère que la 5α-réductase stéroïdienne joue un rôle essentiel dans le développement de la prostate et du phallus en fournissant une amplification locale d'un signal androgène sans hyperandrogénie systémique pendant les périodes critiques de la différenciation sexuelle, illustrant l'extraordinaire ingéniosité de la nature dans la création de mécanismes d'amplification sélective des tissus au cours du développement. Nous supposons que chez les hommes adultes, chez qui cette amplification tissulaire spécifique n'est pas essentielle car les concentrations de testostérone en circulation sont nettement plus élevées que chez le fœtus, la testostérone et la DHT peuvent remplir de manière interchangeable de nombreuses fonctions androgéniques. Lorsque les concentrations de testostérone circulante sont faibles, la formation intraprostatique de DHT peut devenir importante pour maintenir la croissance de la prostate, et ainsi compenser les effets de la baisse des niveaux de testostérone, ce qui a été suggéré par Marks et al.
Nos données sont cohérentes avec les études qui n'ont rapporté aucun effet des inhibiteurs de la 5α-réductase sur la masse musculaire ou osseuse. Les conclusions de ces essais sont limitées par le fait que l'administration d'inhibiteurs de la 5α-réductase augmente les taux de testostérone, ce qui rend difficile l'attribution des résultats aux seules différences de taux de DHT. Dans notre essai, l'inhibition de la testostérone endogène par l'administration d'un agoniste de l'hormone de libération de la gonadotrophine a éliminé ce problème. En outre, le régime à forte dose de dutastéride a efficacement inhibé les deux isoenzymes de la 5α-réductase stéroïdienne.” »
Voir également :