Des hommes coincés dans des corps d’hommes
Extraits du livre d’Anne A. Lawence « Des hommes coincés dans des corps d’hommes »
Présentation : les hommes autogynéphiles racontés par eux-mêmes
Je vous présente aujourd’hui un extrait du livre remarquable (Men Trapped in Men’s bodies, non traduit) écrit par le transsexuel autogynéphile Anne A. Lawence, qui étudie cette paraphilie depuis les années 90’s, après avoir découvert les recherches de Ray Blanchard. Son livre est intéressant à bien des égards, notamment par sa volonté de détachement vis-à-vis d’un sujet qui le touche personnellement, mais surtout parce qu’il a permis à des hommes autogynéphiles et transsexuels ayant été opérés ou candidats à une chirurgie dite de « réassignation sexuelle » (c’était le critère de participation) de se raconter. Près de 250 récits lui ont ainsi été livrés (après élimination des récits fabriqués et des récits d’hommes ayant envoyé plusieurs fois leur histoire, par motivation érotique, entre autres, et ceux qui ne désiraient pas de chirurgie, la totalité reçue étant de 470). Il détaille les modalités de son traitement laborieux et rigoureux des témoignages reçus. J’invite les personnes bilingues à consulter l’ouvrage. Je traduirai peut-être quelques-uns des récits édités. Pourquoi est-il important de comprendre cette orientation sexuelle paraphile ?
Pour deux raisons : une grande partie des hommes qui en sont atteints n’ont pas la puissance politique des Tiffany (Thierry) Afschrift, Beatrice (Bruno) Denaes, François(e) Bouyer, Karine Espineira, Marie (Nicolas) Cau, ou encore, récemment sous les feu de la rampe, Estelle (Alain) Szabo. Ces hommes vivent dans la honte, souffrent parfois de très forte dysphorie et mettent également leur compagne en grande difficulté lorsqu’ils en ont une. Ils gagneraient à comprendre leur condition et à recevoir une aide thérapeutique. La deuxième raison est évidemment que le souffrances que peut provoquer cette condition ne doit pas légitimer l’atteinte aux droits des femmes, inhérente à leurs revendications actuelles. Les hommes autogynéphiles ressentant une forte dysphorie, pas plus que n’importe quelle catégorie d’homme, ne peuvent être des femmes.
Les récits de ces hommes sont également très intéressants sur l’évolution de leur condition sexuelle tout au long de la vie, de l’adolescence (et parfois bien avant) jusqu’à la vieillesse. Nombre de ces récits rapportent une sorte d’accoutumance heureuse, de nombreuses années après leur « transition », et une libération des urgences sexuelles, de l’excitation et de la masturbation qu’entraînaient leurs « irrépressibles » - pour citer Marie Cau - activités de travestissement vestimentaires ou d’imitation physiologique du corps des femmes. Certains haïssaient leurs organes génitaux depuis l’enfance, et ont tenté toute sorte de « tucking » qui provoquaient ensuite chez eux des érections et émissions malvenues. Ce qui est regrettable, c’est que le lien aux abus sexuels n’est pas envisagé par Lawrence. Les comportements d’auto-mutilations génitales masculines dans l’enfance peuvent être rapportés à des abus sexuels. Du reste, les répondants ont souvent indiqué que la prise d’œstrogènes et la castration causaient un amoindrissement de leur libido, mais pas totalement, car l’aspect érotique demeurait au-delà de la transition médicale.
Lawrence compare l’habituation de l’homme autogynéphile à sa propre transition à un vieux couple, qui ayant été très actif sexuellement et passionnément dans la jeunesse, finit par développer un attachement romantique et affectif plus apaisé, pour finir sans relation sexuelle. Je suspecte qu’il parle ici surtout de sa propre expérience lorsqu’il décrit cette relation romantique de soi à soi-même. Le mythe raconté dans le Banquet de Platon m’est venu à l’esprit, et je me suis figuré cet homme comme les humains primordiaux, des êtres hermaphrodites ou de sexe masculin ou de sexe féminin, qui vivait leur unicité, avec 4 bras et 4 jambes, qui se déplaçaient en roulant (je ne me souviens pas exactement, je viens peut-être d’inventer ce dernier aspect) et que la foudre de Zeus vint frapper et diviser, les rendant ainsi misérables et à la recherche de leur propre moitié pour le restant de leurs jours. Clairement, je ne vois pas quel problème les féministes peuvent avoir avec des hommes qui sont leurs propres objets sexuels. Je trouve même ceci formidable. Mon problème avec eux est leurs revendications à être légalement des femmes et à vouloir accéder aux espaces réservés aux femmes.
Anne A. Lawrence
L’extrait que je vous propose vise à une meilleure compréhension de cette condition, notamment au travers de paraphilies analogues. Le voici :
Analogues de l'autogynéphilie chez les hommes attirés par les enfants, les amputés et les animaux
Blanchard est coauteur d'un article fondamental (Freund & Blanchard, 1993[1]) qui décrit des analogues de l'autogynéphilie anatomique et l’autogynéphilie de travestissement chez des hommes pédophiles (sexuellement attirés par les enfants)[2]. Cet article décrit également un homme attiré sexuellement par des animaux en peluche anthropomorphes [les « furries, ce ne sont pas vraiment des peluches, mais des déguisements à taille humaine représentant des thérianthropes, des bêtes humaines, comme par exemple, des loups-garous, mais à la manière de Mon petit poney], qui se masturbait dessus et qui rêvait de devenir lui-même un animal en peluche. Freund et Blanchard ont proposé l'existence d'une catégorie de paraphilies jusqu'à présent non reconnue dans laquelle les hommes affectés éprouvaient de puissants désirs érotiques de se faire passer pour les personnes ou les choses qui les attiraient sexuellement, ou encore de transformer leur corps afin de le rendre plus ou moins conforme à ces personnes ou à ces choses. Plus précisément, ils ont émis la théorie suivante :
Pour chaque catégorie d'objet sexuel, il y aura de petits sous-groupes d'hommes qui développeront le fantasme érotique d'être l'objet désiré, et qui développeront le désir persévérant de transformer leur propre corps en fac-similé de l'objet désiré. (p. 562)
[Source : « Comment le monde des furries donne aux gens le courage d’être leur soi authentique ». Très authentique, effectivement. Après « renouer avec son nègre intérieur », « renouer avec sa féminité intérieure », voici, « renouer avec son animalité intérieure ». A croire que les hommes sont particulièrement et sexuellement obsédés par le fait de « renouer » imaginairement avec les êtres qu’ils exploitent et maltraitent. Mais cesser de les exploiter et de les maltraiter, c’est trop compliqué.]
Freund et Blanchard pensaient que les paraphilies de ce type représentaient des erreurs de localisation de la cible érotique.
[l’autogynéphilie est en même temps considérée comme une inversion de l’identité de la cible érotique — le fait de vouloir être ce que l’on veut baiser et être excité à cette idée. L’autopédophilie serait à la fois une erreur de localisation de la cible érotique — le fait d’être sexuellement attiré par enfants — ainsi que d’une inversion — le fait d’être sexuellement attiré par l’idée de soi-même en tant qu’enfant ET de vouloir devenir ce qui nous attire sexuellement.
C’est l’objet de l’étude sur les ADBL (adult Diapers Baby Lover, adultes amateurs de couches culottes), réalisée par Kevin J. Hsu et J. Michael Bailey[3]. Avec l’autogynéphilie, la majeure partie des hommes qui en sont atteints sont attirés par les femmes ; d’autres sont dits « asexuels/analloerotiques (« ne pas être attiré par d’autres personnes, sous-entendu autre que soi-même en tant que femme (ou enfant, ou furry) ou dans l’absolu ») lorsqu’ils sont uniquement excités par l’idée d’eux même en tant que femmes — « asexuel » n’étant donc pas tout à fait approprié, et d’autre sont pseudobisexuels ; ce sont des hétéros qui sont excités à l’idée d’être sexuellement traités « comme une femme », c’est-à-dire, pénétré par des hommes. Dans ce dernier cas, ce n’est pas tant l’homme qui est source d’excitation, pour l’AGP, que le fait de s’imaginer être une femme en train d’être prise. C’est par exemple, Andrea Long Shu ou « Lily » Wachowski et plus généralement les hommes adeptes du sissy porn et de la « féminisation forcée », mais il n’est pas nécessaire pour ces hommes d’être malades du porno (pornsick). Le problème avec l’étude sur les autopédophiles étant qu’aucun homme interrogé n’aurait franchement pu avouer être sexuellement attiré par les bébés (de fait, seulement 4% des 207 ADBL de l’étude l’ont fait) et que les auteurs n’ont pas pratiqué des mesures de l’influx sanguin au pénis comme dans le cadre des études de Blanchard, ce qui permettait de constater l’excitation sexuelle des hommes qui mentaient et deux ceux qui était dans le déni, ainsi que ceux qui étaient parvenus à complètement ignorer leur excitation, par dissociation, étant donné qu’il est psycho-socialement très compliqué de s’avouer à soi-même être un autogynéphile, et à plus forte raison un auto-pédophile. Nombre de ces autogynéphiles souffrent ainsi de leur condition, mais n’oublions pas que ceux qui mènent l’assaut contre les droits des femmes en font partie. Assez d’himpathy.].
Le terme reflétait leur théorie selon laquelle le dysfonctionnement cognitif sous-jacent à ces paraphilies implique une erreur dans la localisation précise de la « cible » de l'intérêt érotique : plus précisément, la localisation erronée de cette cible dans ou sur son propre corps, plutôt que dans ou sur le corps d'un autre individu.
[La location erronée concerne plutôt le fait de situer l’objet sexuel en dehors d’un potentiel partenaire sexuel adulte, et de le concentrer sur une partie de corps (les fétichistes des pieds, par exemple) ou sur un objet (un vêtement, un costume d’animal en peluche) ; la localisation de l’objet sexuel sur soi-même (soi-même en tant que femme) ainsi que vouloir devenir cet objet sexuel (ce que Michael J. Bailey développe dans son article universitaire publié hier et dont je viens de prendre connaissance!) constitue une inversion de l’identité de la cible érotique, ou la localisation fétichiste en soi-même (celui qui se masturbe en pensant à des fonctions physiologiques, comme le fait d’imaginer « avoir une vulve » ou « être enceint », ou « avoir ses règles ») et le fait de vouloir transformer son corps en ce sens constitue à la fois une erreur de localisation et une inversion de l’identité de la cible érotique. Ce qui fait de ces conditions psychosexuelles des sortes d’orientations sexuelles autocentrées avec le désir de se transformer en l’objet de son fantasme. Les paraphilies, qu’elles soient d’erreur de cible ou d’inversion de la cible érotiques sont en quelques sorte des « orientations sexuelles côté de la plaque », si je puis dire, la plaque étant ici un autre individu adulte humain, peu importe son sexe.
Les récits d’autogynéphiles relatent leur sentiment d’impuissance à ne pouvoir partager de véritable intimité sexuelle, impliquant une réelle connexion avec leurs partenaires sexuels, ainsi que le fait de devoir s’isoler mentalement pour se concentrer sur des fantasmes les impliquant eux-mêmes en tant que femme, même lorsqu’ils ont des rapports sexuels en tant que travestis et/ou ont subi des opérations chirurgicales. Nous pourrions faire la remarque que les hommes hétérosexuels non autogynéphiles mais addicts au porno présentent une incapacité analogue à la connexion sexuelle dans le fait de devoir penser à leurs scénarios pornos violents tandis qu’ils se masturbent dans le corps de leur accessoire sexuel — une femme réelle — pour pouvoir atteindre l’orgasme. Mesdames, je vous conseille de refuser de rencontrer des hommes qui consomment de la prostitution filmée à moins de souhaiter faire l’expérience de mauvaises relations sexuelles pour entretenir vos psychotraumatismes.]
Les lecteurs qui souhaitent en savoir plus sur les erreurs de localisation de la cible érotique sont invités à consulter mon article de synthèse (Lawrence, 2009a[4] ), mais une compréhension approfondie du concept n'est pas essentielle. Ce qui est réellement important, c'est que Freund et Blanchard ont décrit des hommes pédophiles qui éprouvaient des analogues précis de l'autogynéphilie de travestissement et anatomique : une excitation sexuelle associée au fait de porter des vêtements d'enfants (ou des répliques pour les tailles adultes) et s’imaginant être des enfants.
Treize ans plus tard, je théorisai que les hommes qui souhaitaient subir l’amputation élective d'un membre sain, souvent sexuellement excités à cette idée — un phénomène historiquement conceptualisé comme paraphilie sous le terme apotemnophilie (Money, Jobaris, & Furth, 1977[5] ) — éprouvaient quelque chose d'analogue à l'autogynéphilie anatomique (Lawrence, 2006[6]). J'observai que les données issues de plusieurs publications suggéraient que ces hommes étaient pratiquement toujours sexuellement attirés par les amputé·es et étaient souvent sexuellement excités lorsqu’ils se faisaient passer pour des amputés ; en outre, ils présentaient une prévalence de travestissement et de trouble de l’identité (GID) de genre beaucoup plus élevée que prévu. J’ai proposé la formulation suivante :
L'apotemnophilie peut représenter l'intersection de deux aspects ou dimensions paraphiliques distinctes. La première dimension implique une préférence pour une cible érotique peu répandue : l'attirance pour les amputé·es. La seconde dimension implique une erreur de localisation de la cible érotique, dans laquelle l'individu désire transformer son corps en la cible érotique désirée (ou un fac-similé de celle-ci), plutôt que de simplement désirer cette configuration corporelle chez une autre personne. (p. 269)
[Je me contenterais de faire humblement remarquer que le fait d’être sexuellement attiré par des amputés constitue l’erreur de localisation de la cible érotique. Et que le fait de vouloir devenir ce que l’on veut baiser, soit, un amputé, constitue l’inversion de l’identité de la cible érotique. Et que ces paraphilies constituent ainsi des Inversions d’identité de cibles érotiques erronées. Lawrence écrit ceci en 2006 et connaît pourtant cette distinction faite par Blanchard en 1993, aussi, sa formulation nous paraît étrange. En même temps, Blanchard employait parfois les deux en les interchangeant. Si je tombe sur une déclaration de Blanchard à ce sujet durant mes lectures, je mettrai à jour.
Edit :
M.J. Bailey a publié hier les résultats de sa recherche entreprise en 2020 sur le sujet. Il s’agit bien de cela. Sauf qu’il n’emploie plus le concept d’erreur de cible érotique, mais parle de cibles érotiques externes, peu importe leur nature (un autre être humain mature, une partie de corps, un enfant, un chien, un objet…) et de cibles érotiques internes (le fait de devoir s’imaginer être l’objet de leur attraction sexuelle pour atteindre l’orgasme). Continuer à parler « d’erreur » pouvait probablement entraîner des accusations de stigmatisation de la part des paraphiles, contrevenant à sa recherche. Pour ma part, je considère que les orientations sexuelles saines des adultes constituent l’attraction vers d’autres personnes humaines et matures, peu importe leur sexe. Tout ce qui s’en écarte relève du fétichisme / de la paraphilie, que cette paraphilie soit légale, comme l’autogynéphilie, ou problématique, comme l’auto-pédophilie, les ADBL et les furries (ces deux dernières constituant à la fois des erreurs et des inversions de la cible érotique, supposant une attraction sexuelle envers les êtres ou objets qu’ils souhaitent devenir) ou encore criminelle, comme la pédocriminalité et la zoophilie(zoocriminalité), qui sont des erreurs de cible érotique. Lawrence dit clairement qu’il s’agit de pathologies mentales. Et l’une des premières raisons données est que ces paraphilies rendent impossible toute connexion sexuelle intime avec une autre personne. De nombreux témoignages en font état en se plaignant de l’impact sur la qualité de leurs relations et leur sentiment de tristesse à ne pas pouvoir éprouver d’intimité amoureuse sincère avec une autre personne.]
Quelques années plus tard, je décrivis d'autres cas d'hommes pédophiles qui présentaient des analogues de l'autogynéphilie de travestissement et de l’autogynéphile anatomique (Lawrence, 2009a[7] ). Dans le même article, je synthétisai des données concernant des hommes sexuellement attirés par des animaux anthropomorphes en peluche, qui aimaient se déguiser en costume de peluche, parfois sexuellement excités ce faisant, et qui semblaient s'identifier à ces anthropomorphes en peluche ou fantasmaient d’en devenir. Je présentai également des données concernant des hommes qui étaient sexuellement attirés par de vrais animaux (c’est-à-dire qui étaient zoophiles) et qui s’identifiaient à de vrais animaux, ainsi que des données concernant d’autres hommes souhaitant devenir de vrais animaux (c’est-à-dire qui souffraient de dysphorie d’espèce — la croyance qu’ils étaient nés de la mauvaise espèce ; voir Beetz, 2004[8]).
[Mentionnons le passage suivant issu de l’article de Beetz : « Certains zoophiles estiment que leur vrai moi est plutôt animal qu'humain, qu'ils “vivent dans le mauvais corps” et qu'ils devraient en fait être ou sont un animal de leur espèce préférée (Beetz, 2002 ; Matthews, 1994 ; Miletski, 2002). Ce phénomène semble en partie comparable aux caractéristiques de la transsexualité et a été baptisé dysphorie d’espèce (Miletski, 2002). »]
Il existe donc des preuves convaincantes de l'existence d'hommes sexuellement attirés par les enfants, s’identifiant à des enfants, sexuellement excités en s'habillant comme des enfants et souhaitant transformer leur corps en fac-similés de corps d'enfants [il faut faire une étude à la Blanchard, avec la mesure physique concrète de l’excitation sexuelle, mais encore, faut-il que ces hommes l’acceptent] ; d'hommes sexuellement attirés par les amputé·es, s’identifiant à des amputés, sexuellement excités en se faisant passer pour des amputés et désirant se faire opérer pour devenir des amputés ; des hommes sexuellement attirés par les animaux anthropomorphes en peluche, s’identifiant à des anthropomorphes en peluche, aimant se faire passer pour des anthropomorphes en peluche et étant parfois sexuellement excités ce faisant, et fantasmant possiblement sur la transformation de leur corps en fac-similés d’anthropomorphes en peluche ; et d’hommes sexuellement attirés par les vrais animaux, s’identifiant à de vrais animaux, et pouvant dans certains cas — bien que cela soit spéculatif — être sexuellement excités à l'idée de devenir de vrais animaux et fantasmer sur la transformation de leur corps en fac-similés de corps d'animaux réels.
Comment ces informations nous aident-elles à comprendre le phénomène des hommes sexuellement attirés par les femmes, qui s’identifient en tant que [s'imaginent être, fantasment à l’idée d’être des] femmes, sexuellement excités en s'habillant comme des femmes [en s’habillant selon les stéréotypes socio-sexistes en vigueur] et désirant transformer leur corps en fac-similé de corps de femme — autrement dit, le phénomène du transsexualisme autogynéphile ? Je pense que l'existence de ces analogues du transsexualisme autogynéphile remet en question les théories biologiques et psychanalytiques les plus influentes [et les plus « éclatées au sol », si je puis me permettre] du transsexualisme MtF non homosexuel, car ces théories devraient également être en mesure de rendre compte de ces phénomènes analogues, mais sans succès. Par exemple : Il est plausible que des anomalies hormonales survenues au cours du développement prénatal puissent donner naissance à une personne de sexe masculin dont le cerveau s'est développé dans une direction typiquement féminine (Swaab, 2007 [9]) [hautement spéculatif, métaphysique. Un trouble du développement sexuel dans lequel l’individu aurait des ovaires fonctionnels et une spermatogénèse également fonctionnelle en serait la traduction matérielle. À ce jour, cela n’a pas été observé]. Il est bien moins plausible qu'un trouble du développement prénatal puisse aboutir à une personne de sexe masculin dont le cerveau se serait développé comme celui d'un amputé ou d'un animal anthropomorphe en peluche. En ce qui concerne les explications psychanalytiques, il est plausible qu'un garçon puisse tenter de gérer une angoisse de séparation non résolue survenue dans la petite enfance au moyen d'un « fantasme réparateur de fusion symbiotique avec la mère » (Person & Ovesey, 1974a, p. 5). Il est moins plausible qu'un garçon puisse tenter de gérer une telle angoisse de séparation non résolue par le fantasme de fusion symbiotique avec un autre enfant, un anthropomorphe en peluche ou un amputé.
Je considère qu'il est plus judicieux de théoriser que le transsexualisme autogynéphile MtF et les conditions analogues qui existent chez les hommes sexuellement attirés par les enfants, les amputés, les animaux anthropomorphes en peluche, et peut-être les vrais animaux, représentent toutes des manifestations d'un type inhabituel de paraphilie dans lequel les hommes affectés sont sexuellement excités par l'idée de se faire passer pour ou de devenir n'importe quelle catégorie de personne ou de chose pour lesquelles ils ressentent de l’attraction sexuelle. Leurs désirs paraphiliques, à leur tour, donnent souvent naissance à des « identités » alternatives très fortes auxquelles ils tiennent, et qui finissent par devenir leurs identités dominantes.
[1] « Erotic target location errors in male gender dysphorics, paedophiles, and fetishists » (Erreurs de localisation des cibles érotiques chez les hommes dysphoriques, pédophiles et fétichistes), Br J Psychiatry
. 1993 Apr;162:558-63. doi: 10.1192/bjp.162.4.558.
[2] Les quatre types d’autogynéphilie observée par Blanchard sont les suivantes : physiologique (le fait d’être sexuellement excité à l’idée d’allaiter), comportementale (le fait de performer un maniérisme et de manifester des comportements idiots que l’homme impute aux femmes, comme Dylan Mulvaney), anatomique (le fait d’être excité à l’idée d’avoir des caractéristiques sexuelles secondaires féminines, comme le fait d’avoir des seins et une vulve, cette autogynéphilie pouvant être partielle — l’homme souhaitant à tout prix des seins, mais voulant conserver son pénis), et de travestissement (les travestis sexuels qui éprouvent de l’excitation sexuelle en revêtant des vêtements typiquement associés aux femmes dans notre culture, et qui éjaculent parfois du simple fait de se vêtir. Nombreux prétendent que cette éjaculation est malvenue, et qu’ils ne comprennent pas leur excitation.)
[3] Sexual Orientation, Sexual Motivation, and Erotic Target Identity Inversions in Male Adult Baby/Diaper Lovers (« Orientation sexuelle, motivation sexuelle et identité de la cible érotique chez les adultes masculins amateurs de bébés et de couches-culottes »).
[4] Honte et rage narcissique du transsexualisme autogynéphile https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18431633/
[5] Money, J., Jobaris, R., & Furth, G. (1977). Apotemnophilia: Two cases of self-demand amputation as a paraphilia. Journal of Sex Research, 13 , 115–125. (« L'apotemnophilie : Deux cas d'amputation volontaire en tant que paraphilie »)
[6] Lawrence, A. A. (2006). Clinical and theoretical parallels between desire for limb amputation and gender identity disorder. Archives of Sexual Behavior, 35 , 263–278.
[7] “Becoming what we love: autogynephilic transsexualism conceptualized as an expression of romantic love” (« Devenir ce que l’on aime: le transsexualisme autogynéphile théorisé comme une expression de l’amour romantique »)
[8] Beetz, A. M. (2004). Bestiality/zoophilia: A scarcely investigated phenomenon between crime, paraphilia, and love. Journal of Forensic Psychology Practice, 4 (2), 1–36.
[9] Swaab, D. F. (2007). Sexual differentiation of the brain and behavior. Best Practice & Research. Clinical Endocrinology & Metabolism, 21 , 431–444.
Edit : M.J. Bailey a publié hier son étude présentant les résultats de sa recherche entreprise en 2020 sur le sujet. Il s’agit bien de cela. Sauf qu’il n’emploie plus le concept d’erreur de cible érotique, mais parle de cibles érotiques externes, peu importe leur nature (un autre être humain mature, une partie de corps, un enfant, un chien, un objet…) et de cibles érotiques internes (le fait de devoir s’imaginer être l’objet de leur attraction sexuelle pour atteindre l’orgasme). Continuer à parler « d’erreur » pouvait probablement entraîner des accusations de stigmatisation de la part des paraphiles, contrevenant à sa recherche. Pour ma part, je considère que les orientations sexuelles saines des adultes constituent l’attraction vers d’autres personnes humaines et matures, peu importe leur sexe. Tout ce qui s’en écarte relève du fétichisme / de la paraphilie, que cette paraphilie soit légale, comme l’autogynéphilie, ou problématique, comme l’auto-pédophilie, les ADBL et les furries (ces deux dernières constituant à la fois des erreurs et des inversion de la cible érotique, supposant une attraction sexuelle envers les êtres ou objets qu’ils souhaitent devenir) ou encore criminelle, comme la pédocriminalité et la zoophilie(zoocriminalité), qui sont des erreurs de cible érotique. Lawrence dit clairement qu’il s’agit de pathologies mentales. Et l’une des premières raisons données est que ces paraphilies rendent impossible toute connexion sexuelle intime avec une autre personne. De nombreux témoignages en font état.
Merci de cette adaptation du texte de Lawrence. Je suis par contre sceptique face aux discours qui présentent a priori les pervers masculins comme "malheureux"... Ne peut-on pas reconnaître leurs propos comme intéressés? J'ai tendance à reconnaître chez eux une tentative d'ajouter aux privilèges masculins de définir le monde et les autres en fonction de leurs quatre volontés.