Mauvaise application et/ou destruction des droits des femmes : le droit aux espaces sexo-spécifiques
Lorsque les hommes peuvent tranquillement entrer dans les toilettes et les refuges des femmes, que se passe-t-il ?
1. L'agression sexuelle d'une femme dans un refuge pour femmes victimes de violences domestiques par un responsable de maintenance prouve que les espaces réservés aux femmes sont essentiels.
Extraits de l’article rédigé par Julie Bindel le 20 février 2023
« Après des années de violences domestiques et sexuelles de la part de son partenaire abuseur, Ann Cartright pensait avoir trouvé la sécurité dont elle avait besoin pour reprendre pied dans un refuge pour femmes du Shropshire.
Le personnel n'arrêtait pas de lui dire : « Vous êtes en sécurité, tout va bien se passer », se souvient-elle. « On m'a dit que je n'avais plus besoin de m'inquiéter".
C'était le réconfort dont cette jeune femme de 21 ans, mère de deux enfants, avait désespérément besoin après avoir fui une relation violente au péril de sa propre vie.
Son nouveau foyer était censé offrir précisément le type d'environnement dont elle avait besoin pour reconstruire sa confiance et son estime de soi.
Au lieu de cela, elle fut victime d’un abus de confiance [et abus de faiblesse] ignoble. Pendant plusieurs mois, Ann a été agressée sexuellement [viol y compris] à plusieurs reprises par un homme de 44 ans qui travaillait là.
Le violeur, Steven Russell, avait été employé comme homme à tout faire après avoir menti sur ses qualifications. Il a gagné la confiance du personnel au point d'avoir accès aux dossiers confidentiels et pouvoir aller et venir à sa guise.
Par une combinaison de menaces, de chantage et d'abus, il a terrifié Ann et les autres femmes du refuge pour les réduire au silence.
Ce n'est qu'après l’arrivée d’une nouvelle venue et nouvelle victime, qui osa porter plainte contre Russell que toutes les femmes victimes ont témoigné contre lui.
(…)
Ann peut enfin s’exprimer sur une épreuve qu'elle décrit comme « six mois en enfer », dans le contexte d’un tournant culturel [et législatif] qui a vu un nombre croissant d’hommes transidentifiés (male bodied trans women) être autorisés à être transférés dans des espaces réservés aux femmes, tels que les prisons et les refuges pour femmes.
Ces dernières semaines, un voyou au crâne rasé du nom d'Adam Graham, qui a perpétré deux viols brutaux entre 2016 et 2019 avant de prétendre s'identifier « en tant que femme », a été admis dans une prison pour femmes en Écosse. L'affaire a enflammé le débat dans toute la Grande-Bretagne.
À la lumière des protestations passionnées des défenseurs des droits des femmes, la Première ministre Nicola Sturgeon a été contrainte à un revirement criant et Graham a été envoyé dans une unité pour hommes.
Et si les hommes transidentifiés (transgender women) peuvent, bien entendu, également être victimes de la violence masculine [comme n’importe quel homme qui ne se conforme pas à la masculinité viriarcale], Ann admet avoir été horrifiée de lire que Graham avait d'abord été affecté à une prison pour femmes. Cela m'a glacé le sang », dit-elle.
L'épisode a soulevé de vives questions quant à la raison pour laquelle un double violeur a pu être accepté dans une prison pour femmes, d'autant plus que les détenues, quels que soient leurs crimes, ont souvent elles-mêmes été victimes de violences sexuelles, domestiques et de contrôle coercitif.
Et Ann connaît mieux que quiconque les risques inhérents au fait de permettre à un homme (biological male) - qu'il s'identifie comme un homme ou une femme - d'accéder aux refuges pour les femmes qui cherchent à échapper aux violences masculines domestiques.
« Je ne peux exprimer à quel point nous étions toutes vulnérables », dit-elle. « J'espère que ce qui m'est arrivé est une mise en garde contre la présence d'hommes dans les refuges — que ce soit en tant que travailleurs ou résidents, qu'il s'agisse d'hommes ordinaires ou d’homme transidentifiés (transgender women).
« Ce que j'ai vécu, c'est une suffocation et une détérioration totales dans un endroit où j'aurais dû être en sécurité. Les inspecteurs de l'époque ont déclaré qu'ils n'avaient jamais vu une telle chose se produire dans un refuge, mais c'est pourtant ce qui s'est passé. »
(…)
Au sujet de l’agresseur :
« C'était un grand type masculin, et il n'y avait que lui et moi, à un mètre de part et d'autre de la table dans cette petite pièce », se souvient-elle. Je n'aurais pas dû pouvoir me trouver dans cette situation.
Steve demanda le numéro de téléphone d'Ann et quand elle refusa, ayant conscience que cela était inapproprié, il est allé le chercher dans son dossier de résidente.
Elle eut beau essayer de l'éviter, Steve est constamment au refuge et son comportement devint de plus en plus menaçant. En tant que « responsable de maintenance au refuge », il avait accès aux parties communes et même aux chambres des femmes.
« Il pouvait aller où il voulait sous prétexte de réparer les choses », raconte Ann. « Il agissait comme si l'immeuble lui appartenait ainsi que toutes celles qui s'y trouvaient. Il avait l'habitude de s'approcher de moi et de m'attraper les seins et les fesses. Il me coinçait dans les couloirs, se rapprochait de moi et me touchait. »
(…)
Isolée et terrifiée, Ann dit qu'elle n'avait aucune idée que Steve faisait la même chose aux autres femmes du refuge. « Il a créé ce climat de peur », se souvient-elle.
« Il avait un contrôle absolu. Il criait aux femmes d'aller dans leur chambre si elles avaient été "désobéissantes", ou il leur rappelait constamment qu'elles lui étaient "redevables". Je me souviens qu'il criait à une femme : "Tu n'avais pas de chaussures quand tu es arrivée ici — je t'ai donné ces chaussures." »
« Il nous avait convaincues que nous étions toutes de mauvaises mères et qu'il fallait rester loin les unes des autres. Je me souviens qu'une responsable du refuge est revenue de son congé maternité, et a dit : « Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas ici, il y a dix femmes qui vivent ensemble et aucune d'entre elles ne se parle. »
Ann sait maintenant que Steve avait même le contrôle de la vidéosurveillance interne et externe, qu'il éditait pour dissimuler ses abus.
(…)
Steve a été accusé de trois chefs d'accusation de viol et de trois chefs d'accusation d'agression sexuelle contre Ann et une autre femme, ainsi que d'un chef d'accusation de fraude pour avoir menti sur ses qualifications.
« La police a dit qu'il savait exactement ce qu'il allait faire lorsqu'il a postulé pour ce travail », dit Ann. « Dès le premier jour, c'était tellement mesuré et calculé ».
Le contrôle que Steve exerçait sur Ann était tel que, lors de ses premiers entretiens avec la police, elle a refusé de croire qu'elle avait été violée.
J'ai dit à la police : « Il ne m'a pas violée parce que je n'ai pas dit non ». Mais la police m'a dit : « Il vous a violée. »
(…)
Il est choquant de constater que le refuge du Shropshire où s'est déroulée la campagne d’abus sexuels de Russell se vante encore fièrement en ligne : « Notre refuge est un espace réservé aux femmes [sic], bien que des hommes puissent parfois y entrer pour effectuer des services essentiels, par exemple pour réparer la chaudière ».
Richard Scorer, avocat spécialisé dans les abus et les mesures de protection chez Slater Gordon, pense que cela doit changer. Selon lui, le cas d'Ann montre clairement pourquoi il est si important de préserver des espaces et des services sûrs exclusivement réservés aux femmes.
« Un refuge pour femmes doit être un lieu d'asile et de sécurité pour les femmes vulnérables », dit-il.
Dans cette affaire choquante, un prédateur sexuel a pu non seulement entrer dans le refuge, mais aussi, et c'est ce qui est le plus incroyable, obtenir un emploi qui lui donnait accès aux chambres des femmes et à leurs dossiers personnels.
Malheureusement, étant donné l'érosion du principe selon lequel les refuges pour femmes doivent être réservés aux femmes[à cause des lois absurdes sur l’identité de genre autodéclarée], il est peu probable que ce soit un cas unique. [Ça ne l’est pas. Le cas du violent pédophile transidentifié Dolatowski, mesurant plus d’un mètre quatre-vingt-dix et quelques, envoyé dans une prison pour femme, avait été hébergé dans un refuge pour femmes victimes de violences domestiques, et leurs enfants, en mentant au personnel sur son casier judiciaire].
Cette affaire démontre que les prédateurs sexuels masculins essaient de trouver et d'exploiter tous les moyens possibles pour avoir accès aux femmes vulnérables et les cibler. J’ai 25 ans de carrière dans les cas d'agression sexuelle, j'ai vu cela se produire de nombreuses fois ».
Il ajoute que, malgré les revendications des transactivistes qui demandent que les hommes qui s’identifient comme des femmes soient autorisés à entrer dans ces espaces, la seule façon d'assurer la sécurité des femmes est que les refuges emploient, hébergent et soient gérés uniquement par des femmes (biological females).
C'est un sentiment partagé par Ann. « Les femmes dans les refuges sont si vulnérables — complètement brisées », dit-elle. « Elles veulent leur intimité, elles veulent leur dignité. Il est si facile d'abuser d’une position de pouvoir face à des femmes dans cette situation ».
2. « Je m’identifie comme une femme », c’est pourtant la base.
Un homme se déguise en employé de maintenance à la gare de Birmingham New Street. Il pénètre dans les toilettes des femmes, et tente d’agresser sexuellement une femme (il lui saute dessus alors qu’elle termine de se laver les mains). Elle se défend, la où d’autres femmes en état de sidération n’auraient peut-être pas pu le faire, et l’agresseur prend la fuite. La victime le suit et le voit jeter sa veste de maintenance et se coiffer d’un bonnet. L’agression est donc préméditée ; pas contre cette femme-ci en particulier, mais contre n’importe quelle femme dans les toilettes pour femmes (individue de sexe féminin, peu importe comment ces femmes se seraient identifiées). Long story short, la police des transports britanniques finit par l’intercepter.
Ian Bullock, l’agresseur. Crédit : British Transport Police.
Lorsqu’ils lui ont demandé ce qu’il faisait dans les toilettes des femmes, il a répondu du tac au tac qu’il s’« identifie comme une femme. »
La prochaine fois, il pourra directement se déguiser en femme, au lieu de passer par la case employé, comme nombre de ses semblables l’ont déjà compris.
« Bullock est un individu dangereux qui a délibérément changé de vêtements ce matin-là afin de pouvoir s’introduire dans les toilettes des femmes sans élever trop de suspicion et commettre cette agression ignoble et préméditée sur la victime, dans un espace où elle avait le droit de se sentir en sécurité. »
Voir l’article complet sur Reduxx
3. Il la harcèle et la suit jusque devant les toilettes de l’hôpital, où il l’agresse
Dans l’affaire suivante, le journaliste emploie le féminin pour parler de l’agresseur sexuel. L’homme transidentifié est un délinquant sexuel avec une ordonnance de restriction lui interdisant d'approcher des mineur·es.
Cette fois-ci, il vient de harceler une fille de 16 ans qu'il a suivie partout de long en large d'un hôpital. Jusqu'à ce qu'elle se réfugie dans les toilettes pour femmes [nous nous demandons ce qui l'a psychologiquement empêché d'y entrer]. Son harcèlement sexuel est parasitique. Cela doit même qualifier pour agression sexuelle :
Le procureur Ruth Jones a déclaré que Harvey [l’agresseur de 28 ans] avait été libéré à 4h du matin, mais est resté à l'hôpital jusqu'à 8h22. Il avait commencé à suivre la victime [âgée de 16 ans] depuis 2 heures du matin, ayant écrit un message sur sa main qu’il a montré à la victime : « Do you want to f*** ? » (« Tu veux bézé ? »).
L’accusé a suivi la victime à l'extérieur de l’hôpital lorsqu'elle est allée fumer, l'a interrogée sur sa sexualité et lui a demandé avec combien de personnes elle avait déjà couché. Il lui a également montré qu'il portait un bracelet électronique à la cheville ainsi que le contenu de son sac, qui contenait des serviettes hygiéniques et un magazine porno sur la couverture duquel figurait la photo d'une femme seins nus.
Harvey a attendu à l'extérieur des toilettes après que la victime y soit entrée et a continué à la suivre. Lorsque la victime est sortie pour fumer une autre cigarette, l'accusée a montré des messages qu'il avait écrits sur son téléphone. Il lui disait : « Je t'aime tellement bébé, je veux te sauter. « Je veux te serrer si fort. Tu veux venir en ville avec moi ? On peut prendre un verre » et « Je t'aime tellement, je veux te baiser ». Harvey riait lorsque la victime lisait ces messages. Jones a déclaré que la victime avait dit se sentir « mal à l'aise » devant la proximité et la persistance de Harvey.
C’est pour cela que les femmes ont droit à des espaces sexo-spécifiques, et que ce devrait aussi être le cas dans les hôpitaux, comme tout endroit où elles sont vulnérables. Les violences masculines contre les femmes, sexuelles ou non, sont endémiques dans notre société. Les chiffres s’y rapportant sont vertigineux. Souvenez-vous que 22 à 34 % des hommes sondés reconnaissent avoir commis au moins une agression sexuelle sur au moins une femme. Ayez à l’esprit que ces chiffres concernent seulement les hommes qui osent l’avouer. La majorité des autres mentent ou pensent être dans leur bon droit de faire ce qu’ils veulent aux femmes, ou se racontent tranquillement que leurs agissements ne sont pas des agressions sexuelles.
Si ce n’était que 25 % des hommes, ce serait déjà incroyablement dangereux. Je vais répéter celle métaphore parlante : si 25 % des M&Ms dans le saladier sont empoisonnés, est-ce que vous vous servez ?
D'un autre côté, ce chiffre explique que 72 000 plaintes aient été déposées pour agressions sexuelles en France en 2021, sachant que moins de 10 % de victimes d’agressions sexuelles hors du cadre familial portent plainte. Ce qui représenterait quelque chose comme 800 000 agressions sexuelles par an perpétuées par 96 % d'hommes — et nous ne pouvons être certaines que ces chiffres comprennent les hommes transidentifiés, possiblement comptabilisés dans les statistiques criminelles des femmes, comme c'est le cas au Royaume-Uni).
Cet homme, Harvey, vient d'être condamné à 3 ans de prison. Va-t-il aller en prison avec les femmes ? Lors d’un précédent séjour au pénitencier pour homme, il a agressé sexuellement un homme et harcelé moralement plusieurs prisonniers. Si les autorités le nomment au féminin, personne n'est dupe : il ira dans la prison pour homme, à sa place, bien qu’un hôpital psychiatrique carcéral semble peut-être plus approprié.
Article source : ici.
4. Les femmes n’ont pas besoin de toilettes : retour à l’ère victorienne
« Mardi 21 février, le Conseil de Bristol a voté une mesure qui stipule que les femmes et les filles n’ont pas besoin de leurs propres vestiaires/toilettes et douches » annonce le tweet de Women’s Rights Network, division ouest du Royaume-Uni. Quelle que soit réellement cette mesure, elle est du reste illégale et la municipalité risque d’être poursuivie pour discrimination sexuelle selon l’Equality Act de 2010.
Ce qui est édifiant dans cette affaire de gestion municipale, c’est l’extrême ignorance des besoins des femmes, liés à leur anatomie propre, à leur sexe, et l’invisibilité de leur corps lorsqu’il ne s’agit pas de les traiter en objet sexuel à acheter ou en ventres pour la commercialisation des bébés.
Voici un extrait de Femmes Invisibles, par Caroline Criado Perez, sur les différences fondamentales entre nos corps sexués ignorées par la société viriarcale qui place l'homme comme « corps humain par défaut » au détriment des femmes :
Ces lacunes ont de l’importance, car, contrairement à ce que l’on suppose depuis des siècles, les différences entre les sexes peuvent être considérables. Des chercheurs en ont trouvé dans tous les tissus et organes du corps humain, ainsi que dans « la prévalence, le déroulement et la gravité » de la plupart des maladies humaines courantes. Il y a des différences sexuelles dans les principes du fonctionnement mécanique du cœur. Il y a des différences sexuelles dans la capacité des poumons, même quand on normalise les valeurs en fonction de la taille (ce qui explique peut-être que, parmi les hommes et les femmes qui fument le même nombre de cigarettes, les femmes ont de 20 à 70 % de plus de probabilité d’avoir un cancer des poumons).
Les maladies auto-immunes affectent environ 8 % de la population, mais les femmes sont trois fois plus susceptibles de les contracter, et elles représentent environ 80 % des malades. Nous ne savons pas exactement pourquoi, mais des chercheurs pensent que c’est peut-être parce qu’elles portent les enfants : selon leur théorie, elles « ont développé une réponse immunitaire particulièrement rapide et puissante pour protéger les fœtus et les nouveau-nés pendant leur formation », ce qui veut dire que parfois, ce système surréagit et attaque le corps. On pense également que le système immunitaire explique les réactions sexospécifiques aux vaccins : les femmes présentent des réactions aux anticorps plus élevées, et souffrent de réactions indésirables plus fréquentes et plus graves aux vaccins. Un article de 2014 proposait même de mettre au point des versions masculines et féminines du vaccin contre la grippe.
Des différences en fonction des sexes apparaissent jusque dans nos cellules : dans les biomarqueurs du sérum sanguin pour l’autisme ; dans les protéines ; dans les cellules immunitaires qui transmettent les signaux de la douleur ; dans la façon dont les cellules meurent à la suite d’une attaque cardiaque, par exemple. Une étude récente montre également qu’il existe une différence significative entre les sexes dans « l’expression d’un gène dont on a découvert l’importance pour la métabolisation des médicaments ». Des différences sexuelles dans l’apparition de la maladie de Parkinson et son issue, ainsi que dans les attaques et ischémies cérébrales (une irrigation sanguine insuffisante du cerveau), ont également été retrouvées jusqu’au niveau cellulaire. De plus en plus d’éléments prouvent aussi qu’il y a une différence selon les sexes dans le vieillissement des vaisseaux sanguins, « avec des implications inévitables pour les problèmes de santé, les examens et les traitements médicaux ». En 2013, dans un article de la revue Nature, le Dr Elizabeth Pollitzer signalait des recherches montrant que les cellules des souris mâles et femelles réagissent différemment au stress ; que les cellules humaines masculines et féminines « présentent des concentrations extrêmement différentes de nombreux métabolites » ; et qu’il y a « des preuves de plus en plus nombreuses » que « les cellules diffèrent selon le sexe, indépendamment de leurs antécédents d’exposition aux hormones sexuelles ».
Il reste d’énormes lacunes à combler dans les données médicales genrées, et les vingt dernières années ont manifestement fait la preuve que les femmes ne sont pas juste des hommes en version réduite : les corps masculin et féminin diffèrent jusqu’au niveau cellulaire. Alors, pourquoi cette vérité n’est-elle pas enseignée ?
La présence d’informations sexospécifiques dans les manuels scientifiques dépend de la disponibilité des données sexospécifiques, mais comme les femmes ont largement été exclues de la recherche médicale, ces données manquent cruellement. Même les aspects essentiels de la détermination sexuelle souffrent d’un manque de données sexuelles : depuis l’étude historique datant de 1990 qui a identifié le chromosome Y comme « la » zone qui détermine le sexe, le sexe féminin – quelle ironie – est considéré comme le sexe par défaut. Mais en l’occurrence, cela n’a pas signifié que nous nous sommes concentrés sur le féminin. Au contraire, les recherches ont surtout porté sur le développement des testicules, en tant que processus censément « actif », tandis que le développement sexuel féminin était vu comme un processus passif, et ce jusqu’en 2010, époque à laquelle nous avons finalement commencé à étudier le processus actif de la détermination ovarienne.
En général, les premières recherches concernant les maladies cardio-vasculaires ont été réalisées sur des hommes, et les femmes restent sous-représentées encore aujourd’hui : elles ne forment que 25 % des personnes ayant participé à 31 études historiques sur les insuffisances cardiaques congestives entre 1987 et 2012.
Par ailleurs, les femmes représentent 55 % des adultes séropositifs dans les pays du tiers monde, et dans certaines régions d’Afrique et des Caraïbes, les femmes entre cinq et vingt-quatre ans sont jusqu’à six fois plus exposées au risque de séropositivité que les jeunes hommes du même âge. Nous savons également que les femmes ne présentent pas les mêmes symptômes cliniques et complications sous l’effet du VIH, et pourtant, une analyse de 2016 sur la prise en compte des femmes par les recherches américaines sur le VIH montre que les femmes ne constituent que 19,2 % des participants aux études sur les antirétroviraux, 38,1 % des participants aux études sur les vaccins, et 11,1 % des participants aux études visant à trouver un remède au sida.
Comme les femmes enceintes sont systématiquement exclues des essais cliniques, nous manquons de données fiables sur la façon de les soigner dans la quasi-totalité des maladies. Nous ne savons peut-être pas comment une maladie s’installe, ni quelle est son issue probable, mais l’OMS (Organisation mondiale de la santé) avertit que de nombreuses maladies peuvent avoir « des conséquences particulièrement graves pour les femmes enceintes, ou qu’elles peuvent nuire au fœtus ». Certaines souches du virus de la grippe (y compris le virus H1N1, celui de la grippe porcine de 2009) provoquent l’apparition de « symptômes aux effets particulièrement graves durant une grossesse ». Des éléments prouvent également que le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère, lié au coronavirus) peut être plus grave durant une grossesse.
Bien entendu, il est compréhensible qu’une femme enceinte ait des réticences à participer à des recherches médicales, mais cela ne signifie pas pour autant que nous devons baisser les bras et accepter de ne rien savoir : nous devrions systématiquement suivre, consigner et rassembler les résultats médicaux des femmes enceintes. Mais nous ne le faisons pas, même en cas de pandémies : durant l’épidémie du SRAS, en 2002-2004 en Chine, les résultats cliniques concernant les femmes enceintes n’ont pas été suivis systématiquement, et « par conséquent », comme l’a signalé l’OMS, « il n’a pas été possible de décrire pleinement le déroulement et l’issue du SRAS durant une grossesse ». Voilà encore une absence de données genrées qui aurait pu être évitée très facilement, et des informations qui nous manqueront lors de la prochaine pandémie.
La non-inclusion des femmes dans les manuels d’anatomie, tout comme dans les essais médicaux, est un problème historique, qui trouve son origine dans l’assimilation du corps masculin au corps humain par défaut, mais ce parti pris traditionnel s’est radicalement développé dans les années 1970, au détriment de la santé des femmes, à la suite de l’un des plus grands scandales médicaux du XXe siècle.
En 1960, des médecins commencèrent à prescrire de la thalidomide aux femmes enceintes qui souffraient de nausées matinales. Ce médicament, qui était en vente libre en tant que sédatif léger dans de nombreux pays depuis la fin des années 1950, était considéré comme sans danger, parce que ses créateurs « ne parvenaient pas à trouver une dose assez élevée pour tuer un rat ». La thalidomide ne tuait pas les rats, mais elle affectait le développement fœtal (ce que son fabricant savait en fait depuis 1959). Avant que ce médicament soit retiré du marché, en 1962, plus de 10 000 enfants étaient nés à travers le monde avec des infirmités dues à la thalidomide.
À la suite de ce scandale, la FDA (Food and Drug Administration, l’administration américaine qui s’occupe de contrôler les denrées alimentaires et les médicaments) publia en 1977 des directives qui excluaient les femmes en âge de procréer des essais médicamenteux. Cette exclusion ne suscita aucune interrogation. L’adoption des normes masculines ne souleva aucune question.
Ces normes masculines ne sont toujours pas remises en question par la plupart des gens aujourd’hui, certains chercheurs continuant même à dire, en dépit de toutes les preuves du contraire, que le sexe biologique n’a pas d’importance. Une chercheuse dans le domaine de la santé publique révèle qu’elle a reçu les remarques suivantes, inscrites sur deux demandes de subvention : « J’aimerais que vous arrêtiez avec tous ces trucs sexuels, et que vous reveniez à la science » ; « Je travaille dans ce domaine depuis vingt ans et cette [différence biologique] ne compte pas ». Et il ne s’agit pas seulement de remarques anonymes : un article de 2014, publié dans la revue Scientific American, affirmait que la prise en compte des deux sexes dans les expériences était un gaspillage de ressources. En 2015, un autre article, dans la revue scientifique officielle de l’Académie nationale des sciences américaine, soutenait que « se concentrer sur des différences sexuelles précliniques ne permet pas d’aborder les disparités en matière de santé féminine et masculine ».
Tout en soutenant que les différences sexuelles n’ont pas d’importance, certains chercheurs déconseillent l’inclusion des femmes dans les recherches pour le motif suivant : même si le sexe biologique peut compter, le manque de données comparables, dû à l’absence de données historiques, rend cette prise en compte des femmes peu judicieuse (c’est un comble !). Les corps féminins (chez les êtres humains comme chez les animaux), fait-on valoir, sont trop complexes, trop variables, trop coûteux pour que l’on réalise des tests sur eux. Intégrer le sexe et le genre dans les recherches est jugé « fastidieux ». Il se pourrait, pense-t-on, qu’il y ait « trop de genre », et que son exclusion soit préférable par souci de « simplification ». Mais dans ce cas, il convient de signaler que des études récentes sur les souris révèlent une plus grande variabilité chez les mâles, pour un certain nombre de marqueurs. Alors, qui est trop compliqué maintenant ?
Outre l’argument que les corps féminins, avec leurs hormones fluctuantes et « atypiques », sont simplement des « réceptacles » peu pratiques pour faire des recherches, des chercheurs défendent également leur incapacité à tenir compte des femmes dans leurs essais en affirmant qu’il est plus difficile d’en recruter.
Il est certain que, du fait de leurs obligations familiales, elles ont moins de temps libre, et peuvent donc avoir plus de mal à prendre un rendez-vous dans une clinique, par exemple, au moment où il faut emmener les enfants à l’école. Mais il s’agit là d’un argument qui plaide en faveur de l’adaptation des horaires des tests aux femmes, plutôt qu’en faveur de leur exclusion pure et simple. Et de toutes façons, il est aisé de trouver des femmes, si on le veut vraiment. Les analyses des essais de produits médicaux imposés par la FDA montrent que les femmes ne représentent que 18 % des participants aux tests portant sur les dispositifs d’occlusion endovasculaire (utilisés quand un vaisseau sanguin fœtal ne s’est pas refermé de lui-même), et 32 % des participants dans les études sur les stents coronaires (ces dispositifs ayant, d’ailleurs, des effets à long terme plus négatifs sur les femmes que sur les hommes). Par contre, dans les essais qui portent sur la correction des rides faciales et dans les tests concernant les appareils dentaires, les femmes constituent respectivement 90 et 92 % des participants.
Une approche plus « novatrice » du problème de la sous-représentation féminine dans les recherches médicales consiste tout simplement à affirmer qu’il n’y a aucun problème, et que les femmes sont parfaitement représentées, merci beaucoup. En février 2018, un article a été publié dans le British Journal of Pharmacology, intitulé « Différences de genre dans l’enregistrement des essais cliniques : y a-t-il un véritable problème ? » Après « des recherches structurées et transversales dans les dossiers d’enregistrement, accessibles au public, des médicaments fréquemment prescrits approuvés par la FDA », les auteurs de l’article, tous des hommes, concluaient que non, il n’y avait pas de « véritable » problème.
Abstraction faite de tout débat philosophique sur la nature d’un problème qui n’est pas véritable, les conclusions des auteurs sont déconcertantes. Pour commencer, des données n’étaient disponibles que pour 28 % des essais de médicaments, de sorte qu’il est impossible de savoir dans quelle mesure cet échantillon était représentatif. Pour les données auxquelles les chercheurs ont réellement pu avoir accès, le nombre de participants de sexe féminin, dans plus d’un quart des essais, ne correspondait pas à la proportion de femmes aux États-Unis affectées par la maladie que le médicament était censé soigner. En outre, l’étude n’abordait pas les essais portant sur les médicaments génériques, qui représentent 80 % des ordonnances aux États-Unis.
La FDA définit un médicament générique comme « un médicament créé pour être identique à un médicament déjà commercialisé sous un nom de marque », qui est vendu après l’expiration du brevet du médicament de marque initial. Les essais qui concernent les médicaments génériques sont bien moins rigoureux que les essais initiaux, n’ayant qu’à démontrer la même biodisponibilité, et ils sont testés « presque exclusivement » sur des jeunes gens adultes de sexe masculin. C’est important, car même avec des principes actifs identiques, des différences dans les principes inactifs et les technologies de fabrication peuvent affecter l’efficacité d’un médicament. Et évidemment, en 2002, le Centre d’évaluation et de recherche de la FDA chargé des médicaments a révélé « des différences statistiques importantes entre les hommes et les femmes en termes de bioéquivalence pour la plupart des médicaments génériques comparés aux médicaments de référence ».
Malgré tout, les auteurs affirment qu’il n’y a pas de preuves d’une sous-représentation des femmes dans les essais cliniques, parce qu’en phase II et III des essais, elles sont prises en compte dans des proportions de 48 % et 49 % respectivement. Mais les auteurs de l’étude signalent eux-mêmes qu’au cours des essais en phase I, elles ne représentent que 22 % des participants. Et contrairement à ce que leur conclusion laisse entendre, la sous-représentation des femmes lors des essais en phase I a de l’importance. Selon la FDA, le deuxième effet indésirable le plus répandu chez les femmes est que le médicament n’est tout simplement pas efficace, même s’il l’est clairement pour les hommes. Donc, en gardant à l’esprit cette différence sexuelle, posons la question suivante : combien de médicaments qui agiraient sur les femmes éliminons-nous lors des essais en phase I, parce qu’ils n’ont pas d’effet sur les hommes ?
Si nous examinons les chiffres d’encore plus près, un autre problème apparaît, totalement ignoré des auteurs : les médicaments sont-ils testés sur les femmes à différents stades de leur cycle menstruel ? Sans doute que non, car la plupart des médicaments ne le sont pas. Quand des femmes participent à des essais, on a tendance à les tester au début de la phase folliculaire de leur cycle menstruel, quand les taux d’hormones sont les plus bas, c’est-à-dire quand, en apparence, elles sont particulièrement proches des hommes. L’idée est de « minimiser l’impact potentiel que l’œstradiol et la progestérone peuvent avoir sur les résultats de l’étude ». Mais la réalité et une étude sont deux choses différentes, et dans la réalité, ces fichues hormones ont des effets sur les résultats.
Jusqu’à présent, on a montré que le cycle menstruel avait un effet sur les antipsychotiques, les antihistaminiques et les antibiotiques, ainsi que sur les traitements cardiaques. On a également montré que certains antidépresseurs affectaient les femmes différemment à différents stades de leur cycle, ce qui signifie qu’une posologie peut s’avérer trop élevée à certains moments et trop faible à d’autres. Les femmes sont aussi plus susceptibles d’être affectées par des anomalies du rythme cardiaque induites par les médicaments (et le risque est le plus élevé durant la première moitié de leur cycle). Ces anomalies, bien entendu, peuvent s’avérer fatales.
Enfin, les auteurs n’envisagent pas les traitements médicamenteux qui pourraient être bénéfiques aux femmes, mais qui ne parviennent même pas au stade des essais sur l’homme, parce qu’ils sont éliminés dès le stade des essais sur les cellules et sur les animaux. Et le nombre de ces traitements pourrait être important. Des différences sexuelles sont constamment signalées chez les animaux depuis près de cinquante ans, et pourtant, une publication de 2007 montre que 90 % des articles pharmacologiques décrivent des études portant uniquement sur des animaux mâles. En 2014, une autre publication a montré que 22 % des études portant sur des animaux ne spécifiaient pas leur sexe, et que 80 % de celles qui le faisaient ne comprenaient que des animaux mâles.
Le plus exaspérant dans tout cela, c’est sans doute de découvrir que le sexe féminin n’est même pas pris en compte dans les études sur les animaux qui concernent les maladies touchant surtout les femmes. Ces dernières sont 70 % plus susceptibles de souffrir de dépression que les hommes, par exemple, mais les études sur les animaux, pour ce qui est des troubles cérébraux, ont cinq fois plus de chances d’être réalisées sur des animaux mâles. Une publication de 2014 montre que parmi les études sur les maladies essentiellement féminines qui spécifient le sexe (44 %), seulement 12 % font appel à des animaux femelles.
Même quand les deux sexes sont pris en compte, rien ne garantit que les données seront analysées en fonction des sexes : une publication signale que dans les études où les deux sexes interviennent, les résultats ne sont pas analysés, les deux tiers du temps, en fonction du sexe. Cela a-t-il une importance ? Eh bien, dans l’analyse de 2007 qui porte sur les études animales, 54 % des rares études faisant appel à des rats ou des souris des deux sexes ont montré des effets médicamenteux qui dépendent du sexe.
Ces effets qui dépendent du sexe peuvent prendre des formes extrêmes. Le Dr Tami Martino mène des recherches qui concernent l’influence des rythmes circadiens sur les maladies cardiaques. Lors d’une conférence, en 2016, devant la Société de physiologie, elle a fait part d’une découverte récente qui lui a causé un choc. Avec son équipe, elle a réalisé une étude montrant que le moment de la journée auquel nous avons une crise cardiaque affecte nos chances de survie. Une crise cardiaque qui survient dans la journée déclenche, entre autres, une réaction immunitaire plus forte. En particulier, elle entraîne une plus grande réponse neutrophile (les neutrophiles, un type de globules blancs, étant en général les premiers à réagir en cas de blessure), et cette réaction est associée à une meilleure chance de survie. Ce résultat a été reproduit de nombreuses fois, au fil des années, sur de nombreux animaux différents, au point de devenir, explique Martino, « l’étalon-or en matière de survie dans la littérature scientifique ».
Aussi Martino et son équipe ont-elles été « très surprises » quand, en 2016, une autre équipe de chercheurs a publié une étude qui montrait également que les crises cardiaques survenant dans la journée déclenchaient une réponse neutrophile supérieure, mais qu’elles étaient associées à une moindre chance de survie. Après s’être beaucoup interrogée, l’équipe de Martino a compris qu’il y avait une différence fondamentale entre toutes les études historiques précédentes et cette nouvelle étude : les anciennes faisaient appel à des souris mâles, alors que la nouvelle faisait intervenir des souris femelles. Sexes différents, résultats diamétralement opposés.