Un homme à l’honneur pour la journée internationale des droits des femmes
Ou la réhabilitation des hommes par les hommes
Au cas où cela vous aurait échappé, le 8 mars dernier, pour commémorer la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, la première dame des USA, l’épouse de Joe Biden, Jill Biden, a remis un prix à « Alba » Rueda, un homme transidentifié qui aurait traversé tout ce qu’ont traversé les femmes parce qu’elles sont des femmes en pays viriarcaux. Il a été présenté au cours de la cérémonie comme ayant été « expulsé des salles de classe, empêché de passer des examens, privé d’opportunités d’emploi, soumis à la violence et rejeté par sa famille ».
Source : The Press Democrat, image Fox News.
Petit rappel. Les femmes étaient effectivement empêchées de faire des études, elles étaient essentiellement empêchées d’accéder à l’autonomie économique, politique et psychique. C’est ce que cache le mythe — mythe en partie seulement —de « la femme empêchée », empêchée entre autres d’être un génie et de réaliser des choses qui comptent. Ce mythe laisse entendre qu’elle se sabote, qu’elle n’est pas faite pour le monde, que la maternité la contraint, que sa timidité la retient, en occultant le fait que c’est le système d’organisation sociale androcratique dans lequel elle vit qui est conçu par dessein, et sans réelle résistance de la part de ceux qui continuent d’en bénéficier et de le reproduire aujourd’hui, pour la maintenir en état d’infériorité et de subordination.
Elle est « empêchée » d’accéder à une conscience autonome et indépendante de son identification aux hommes (male-identified) et à leur culture dominante, réalisée quasi exclusivement par les hommes pour les hommes, par l’éducation qu’elle reçoit encore maintenant et qui tait sciemment l’histoire des femmes ; par les avertissements et les violences misogynes qui formatent son développement (aujourd’hui 35 % de la bande passante d’internet est consacrée à la pornographie et vous savez que l’ero-graphie soi-disant « éthique » ne représente pas même un zéro virgule quelque chose pour cent au milieu d’un océan de brutalités, de dégradations et d’humiliations déshumanisantes des femmes par les hommes dans la pornographie — que vous consommez peut-être, par excitation traumatique ?). Elle est empêchée de connaître les luttes de celles qui l’ont précédée, empêchée de s’intéresser aux autres femmes et de nouer des liens de luttes avec elles — sauf lorsqu’il s’agit de se liguer en faveur des privilèges sexuels des hommes et de revendiquer à leurs côtés, le droit d’être sexuellement exploitées par eux.
Contre exemple, après avoir reçu de nombreuses menaces de viol, de mort et été victimes d’agressions physiques lors des précédentes manifestations : l’action forte du Collectif de suvivantes de l’industrie du sexe contre la porno-prostitution lors de la manifestation du 8 mars dernier à Paris :
À toutes celles qui ont avalé le mythe de la méritocratie masculine, je vous invite à lire l’ouvrage Femmes invisibles, de Caroline Criado Perez. Elle va vous expliquer preuve à l’appui que tout ceci est faux, que les femmes ont d’innombrables réalisations, qu’énormément de femmes ont fait des découvertes — alors même qu’elles étaient maintenues en état d’asservissement — qu’elles ont leur place dans les livres d’histoire, que ce soit de l’art, de la science, de la médecine. Elles n’apparaissent pas, car les hommes ont pillé leurs réussites, puis effacé leurs larcins, de leur vivant et dans la postérité. Parce que le système dans lequel vivaient ces femmes était conçu pour l’appropriation masculine et la mâle-adaptation de tout ce que pouvaient bien faire, créer ou penser les femmes. Le comble de l’injustice ? En retournant bien souvent leurs idées, leurs découvertes, leurs créations contre elles-mêmes et pour alimenter leur destruction typiquement masculine du monde et de tout le vivant.
Au Royaume-Uni, certaines facultés n’ont accepté d’accueillir les femmes qu’à la toute fin des années 80. Polytechnique permit aux femmes d’étudier qu’en 1972. En 1989, Marc Lépine, âgé de 25 ans, perpètre une tuerie à l’école Polytechnique de Montréal en tirant sur 24 femmes, il en tue quatorze et en blesse dix autres. « Vous êtes des femmes, vous allez devenir des ingénieures. Vous n’êtes toutes qu’un tas de féministes, je hais les féministes » leur dit le meurtrier misogyne avant de tirer.
Dans l’un de ses articles publiés dans le journal The Critic, Victoria Smith rappelle cette récente réalité, et la relie à la situation actuelle ou une association étudiante de femmes a failli être dissoute parce que son but était de permettre aux femmes de discuter de leurs droits sans la présence d’hommes :
« Le Magdalene College, à Cambridge, a admis des étudiantes pour la première fois en 1988. »
« J’ai commencé mes études en 1993, dans une faculté d’Oxford qui avait accepté les femmes pour la première fois en 1979 »
« Il fut un temps où les femmes — la catégorie de personnes jadis appelées femmes — ne pouvaient pas fréquenter l’université. Le monde académique était considéré comme la province des hommes, les femmes étant tenues à l’écart.
Plus tard, les règles ont été « assouplies ». Les femmes pouvaient étudier, mais avec moins de ressources. Elles pouvaient passer les examens, mais ne pouvaient pas obtenir de diplômes complets. Elles peuvent s’asseoir avec les hommes, mais ne sont pas traitées sur un pied d’égalité. Tout cela s’est produit dans un passé relativement récent.
Le Magdalene College, à Cambridge, a admis des étudiantes pour la première fois en 1988. Selon The Tab, « le drapeau de Magdalene fut mis en berne lorsque les femmes entrèrent dans la faculté, et certains étudiants (hommes) choisirent en réaction de porter des brassards noirs. Des étudiants (hommes) auraient également défilé dans les rues de Cambridge en portant un cercueil pour pleurer la « mort de la faculté ». Ce n’était pas au XIXe siècle, c’était il y a trente-cinq ans.
Le progrès et le backlash (retour de bâton) n’alternent pas, ils coexistent.
La croyance selon laquelle les espaces publics et les institutions appartiennent aux hommes ne s’est pas éteinte. Même si les femmes ont le droit de pénétrer dans des sphères qui les excluaient autrefois, elles peuvent encore se sentir malvenues. Comme l’explique Rachel Hewitt dans son livre In Her Nature, à paraître prochainement, les femmes ont souvent eu l’impression d’être des impostures dans des domaines supposés masculins — le sport, l’université, la politique — en raison de la dévalorisation de leurs succès, des menaces planantes de violences physiques et sexuelles et de l’absence de ressources pratiques [sexo-spécifiques] telles que des toilettes. Hewitt note que cela continue à se produire même si les femmes progressent dans ces domaines ; le progrès et le backlash n’alternent pas, ils coexistent ; le second se nourrissant du premier.
Un exemple actuel de ce phénomène concerne le traitement des associations universitaires féministes. On pourrait penser qu’il y a lieu de se réjouir de l’essor de ces assos au 21e siècle, mais jusqu’à ce mois-ci, le syndicat étudiant de l’université de Bristol cherchait à discipliner l’une d’entre elles et sa présidente fondatrice. Pourquoi ? Raquel Rosario Sanchez et Women Talk Back ! ont osé s’organiser sans la présence des hommes et sans que cela ne leur apporte un quelconque bénéfice.
Étant donné la longue histoire du monde universitaire en matière d’exclusion des femmes (female), sans parler des inégalités basées sur le sexe [féminin] qui persistent dans l’enseignement supérieur — par exemple, 80 % des vice-chanceliers sont des hommes, l’écart de rémunération entre les sexes est plus élevé dans les universités britanniques que la moyenne nationale et le harcèlement sexuel des étudiantes est monnaie courante dans les institutions — on pourrait penser qu’une once de féminisme serait le strict minimum syndical en matière de promotion de la diversité et de l’inclusion. Hélas, apparemment non. Dans un revirement particulièrement grotesque, ceux qui cherchent à étouffer Women Talk Back ! ont eu le culot de prétendre que ce sont eux qui sont exclus.
Cette tournure des évènements est bien étrange. Mais les universités n’ont jamais été particulièrement douées pour assumer leur passé d’exclusion des femmes. J’ai commencé mes études en 1993, dans un collège d’Oxford qui avait accepté les femmes pour la première fois en 1979. Je ne me souviens pas que l’institution, ni même l’université dans son ensemble, n’ait jamais semblé avoir particulièrement honte de son passé. Chaque fois que le sujet était abordé, l’accent était mis sur la célébration des femmes qui avaient ouvert la voie, comme si ce qu’elles avaient dû surmonter — tradition, habitude, manque de confiance en soi — n’avait rien à voir avec l’université elle-même. C’était comme si les étudiantes étaient censées se sentir, non pas amères que d’autres femmes se soient vues refuser des opportunités, ou méfiantes quant à leur degré d’ « inclusion » réel, mais reconnaissantes [envers les hommes et l’institution] d’être là. (…) »
(Le livre de Victoria Smith vient de sortir : Hags, au sujet de la misogynie contre les femmes d’âge moyen, celles qui ont le savoir et l’expérience et qui sont le plus à même de dénoncer et de lutter contre les manipulations masculines et dont il importe au système viriarcal de vilipender et de rendre pestiférées aux yeux des jeunes femmes afin qu’elles ne les écoutent pas.)
Alba Rueda, âgé de 46 ans, a probablement rencontré nombre de difficultés en Argentine. Parce qu’il est un homme qui ne se conforme pas aux stéréotypes vestimentaires viriarcaux et qui a donc été associé à l’homosexualité. On ne sait pas s’il était un garçon dit « féminin » lorsqu’il était enfant, on ne sait pas s’il a commencé à ressentir de l’attraction pour les hommes à l’adolescence, lorsqu’il a commencé à se travestir, ou si c’est de l’autogynéphilie transvestique (un trouble psychosexuel paraphile dans DSM-5) qui s’est déclenché à la puberté — en quel cas, il serait possiblement pseudo-bisexuel, certains AGP acceptant des relations romantiques ou sexuelles avec les hommes qui les traitent avec la même misogynie qu’ils réservent normalement aux femmes, parce que ce qui les excite avant tout, c’est la pensée d’eux-mêmes « en tant que femme ». N’importe qui se prêtant au jeu participe ainsi à leur excitation sexuelle et devient de ce fait un potentiel partenaire sexuel.
Mais nous ne connaissons pas les détails. Ce que nous savons en revanche, c’est la manière dont le viriarcat traite les garçons « non conformes » aux valeurs viriles et les jeunes hommes « efféminés », soit, les homosexuels travestis et les transsexuels homosexuels (HSTS) dont se distinguent les AGP aujourd’hui. Oui, les jeunes AGP tiennent à se distinguer des jeunes hommes qui transitionnent à cause de l’homophobie qu’ils ont intériorisée et qui peut parfois être très violente (cf. Juno Dawson plus bas). Les AGP des nouvelles générations revendiquent la nature obsessionnelle de leur paraphilie spécifiquement autogynéphile.
Un mot sur le qualificatif misogyne « d’efféminé » qui est employé comme si les attitudes soumises et maniérées étaient des attitudes proprement « féminines ». Il s’agit de représentations sexistes misogynes. La soumission, l’affectation et la servilité ont précédé la construction de la féminité culturelle. La soumission est le propre de l’esclave, soit, du captif et des captives. Le comportement soumis et servile n’est pas un comportement « humain », mais un comportement de survie, un comportement en réaction à la destruction de soi, à la déshumanisation qui a touché les peuples des sociétés humaines qui étaient égalitaires dans leur organisation sociale ainsi que dans leurs mythes et célébrations des hommes et des femmes. L’Ancien Testament en représente une bonne archive. (Lire les analyses de l’historienne Gerda Lerner des anciens corpus de lois des proto-États et des anciennes cités militaristes de l’âge du bronze.) Les femmes, en tant que classe sexuelle, et parce qu’elles assurent la création de nouvelles vies, ont été esclavagisées, commodifiées, chosifiées, réifiées par les envahisseurs patri/viriarcaux (des résidus nomadiques de sociétés agraires matrilinéaires et égalitaires). Cet asservissement systématique des femmes est l’origine de la construction de la féminité culturelle en viriarcat. Aussi, dire d’un petit garçon qu’il est « efféminé » est quelque chose de terriblement stigmatisant.
Ces garçons, dont parle abondamment le sexologue Michel J Bailey dans son livre The man who would be Queen, ne sont pas « féminins », ni « efféminés » contrairement à ce qu’il avance lui-même. Ils sont tout autre. Leur comportement est un comportement propre aux mâles de l’espèce humaine. Un comportement que le viriarcat, en tant que système culturel dominant, ne veut pas voir, et qu’il relègue ainsi à tout ce qui n’est pas viril et donc, par opposition culturelle, à ce qui relève des femmes, ces « non hommes-virils ». Parler d’hommes féminins entretient non seulement l’illusion du « genre », en continuant de réifier ce concept fallacieux et en renforçant la misogynie, mais détourne aussi notre regard de ce que sont vraiment ces hommes, du fait qu’ils sont des hommes à part entière. C’est aussi pourquoi considérer les AGP comme « des femmes » est un expédient qui vise à préserver la masculinité virile.
Le constat est cependant le suivant : tous les hommes AGP influents, et qui ont participé d’une manière ou d’une autre à l’accélération de l’inscription des privilèges sexuels masculins dans le droit, étaient des AGP qui se sont mis à vivre leurs fantasmes sur le tard, après avoir gagné beaucoup de pouvoir politique de manière traditionnellement viriliste. Au moment où ils décident de vivre leur fétiche en public et en permanence, ils continuent d’adhérer aux valeurs viriarcales en annonçant qu’ils sont maintenant « des femmes », tel Philip Randolph Frye ou encore l’Amiral Levine, devenu Secrétaire adjoint à la Santé des États-Unis (les deux étants des vétérans, d’aniciens militaires professionnels). Ce dernier a tranquillement déclaré qu’il ne savait pas trop si cela lui prendrait autant de temps, de transitionner aujourd’hui, s’il n’avait que 15 ans. Mais qu’il « ne regrette pas d’avoir pris [son] temps et de ne pas avoir transitionné adolescent, car si cela avait été le cas, il n’aurait pas pu avoir ses enfants, d’ailleurs il ne peut pas imaginer sa vie sans ses enfants… » Pendant ce temps, sa politique encourage les enfants des autres à transitionner le plus tôt possible, et donc, à la stérilisation des adolescent·es.
« Sylvia » Riviera, proéminent transactiviste, œuvrant dans les années 70, présente quant à lui le profil d’un homosexuel travesti. Il disait être un homme gay à la fin de sa vie et avouait qu’il aimait « faire semblant d’être une femme », ce pour quoi il a d’ailleurs gardé son pénis. Pas folle, la guêpe.
À droite : « Beaucoup d’hommes gays sont gays pour se consoler de ne pas pouvoir être des femmes » dit l’auteur trans Juno Dawson » (« Auteur trans » : un égaré qui s’identifie à un auteur ?)
Soit. Nul ne doute ici qu’« Alba » Rueda ait vécu de nombreuses discriminations parce qu’il est un homme que la culture viriarcale qualifie de « féminin » et qu’il a grandi en tant qu’adolescent « travesti ». Les violences et les discriminations qu’il a vécues ne sont pas en raison qu’il serait une femme, ce qu’il n’est pas, mais parce qu’il est un homme, aisément identifiable comme tel, il menace de ce fait l’archétype viril qui est la plus haute valeur des sociétés hyper-viriarcales, l’Argentine n’étant pas des moindres. C’est en cela que sa société ne lui pardonne pas. Et la raison pour laquelle la société viri-progressiste des USA lui « pardonne » et le « réhabilite », c’est encore une fois parce qu’il est un homme, et qu’il devient de moins en moins tolérable que notre société soi-disant progressiste traite aussi mal les hommes (les hommes Noirs ont obtenu le droit de vote avant les femmes des colons blancs). C’est pourquoi, le jour de célébration internationale de la lutte pour les droits des femmes, les femmes qui ne comptent pas et dont notre culture se fout littéralement (cf. la consommation quotidienne de pornographie : c’est ce que fait notre culture, elle éjacule sur les brutalisations et la déshumanisation des femmes), le plus grand empire occidental met un homme à l’honneur en lui décernant la Récompense internationale du Courage des Femmes (International Women of Courage Award).
Jill Biden, en tant que première domestique spéciale du Président d’un des empires viriarcaux les plus puissants au monde, lave les crimes des hommes à l’égard des autres hommes, ou plutôt, offre un nouvel accord de paix viri-progressiste, après que son mari a invité le tiktokeur Dylan Mulvaney à la Maison-Blanche, à l’égard des hommes maltraités par les autres hommes parce que leur orientation sexuelle ou leurs paraphilies contrarient l’archétype de la masculinité virile. Ne vous y trompez-pas, c’est le combat d’un type d’homme — majoritairement de droite et réactionnaire — contre un autre type d’homme, majoritairement de gauche et soi-disant progressiste. Évidemment, il y a de nombreux hommes APG ou HSTS du côté de la droite, comme Blaire White, qui a une vision progressiste et non réactionnaire sur les droits des femmes et des homosexuels, ou encore des AGP explicitement fascistes et homophobes, lorsque la totalité des transactivistes de gauche sont en revanche un ramassis de misogynes camouflés qui exploitent une manne politique pour exprimer leur haine des femmes ainsi que leur homophobie. L’attirance homosexuelle étant, pour le transactivisme progressiste, quelque chose de transphobe se réduisant à des « préférences génitales » que les homosexuel·les (surtout les lesbiennes) doivent « désapprendre ».
Le crime capital, dans notre culture, c’est un crime dont seules les femmes se rendent coupables, et c’est le crime de refuser de satisfaire les désirs sexuels des hommes, peu importe leur orientation politique, leur religion et la manière dont ils se déguisent. C’est ce que nous rappelle la première servante de l’un des hommes les plus puissants au monde en honorant un homme le jour consacré aux droits des femmes.