Féminisme radical et mouvement critique du genre
Un mouvement de femmes racinaire* au potentiel révolutionnaire
Un point partout, la balle au centre
Janes Clare Jones, éditrice du dernier numéro de The Radical notion, une revue philosophique féministe radicale matérialiste, a publié un essai dans lequel figure une analyse du mouvement de femmes critiques du genre dit « femelliste ». Ce mouvement est incarné dans le monde anglo-saxon par Kellie-Jay Keen, figure de proue et moteur du mouvement de défense populaire des droits sexo-spécifiques des femmes, contre l’effacement du sexe intenté par le mouvement pour les droits des transgenres, dit transactivisme. L’objectif du transactivisme est d’inscrire l’idéologie du genre dans la loi. Pour ce faire, il a besoin de supprimer la notion de sexe et de la remplacer avec celle « d’identité de genre », détruisant au passage les droits sexo-spécifiques des femmes et des filles. Kellie-Jay Keen est à l’origine du visuel déclinant la définition du dictionnaire du mot femme « noun : adult human female » (nom : femelle humaine adulte) et a réussi, par son militantisme terre à terre qui ne s’embarrasse pas de ménager l’ego masculin (transidentifié ou non) à rassembler de nombreuses femmes au travers des rallies organisés sur tous les continents occidentaux, et par des évènements de type speakers corners « Let women speak /Standing for women » (« Laissez les femmes s’exprimer ») auxquels se réunissent des groupes de femmes pour parler de leurs droits sexo-spécifiques dans des parcs publics hautement fréquentés.
Le dernier numéro de The Radical Notion a été mal reçu par de nombreuses femmes qui se disent féministes ou non, et qui prennent part au mouvement actuel de lutte des femmes « Standing for women » (« Debout pour les femmes »). Pour une majorité de ces femmes, ce mouvement est leur toute première prise de conscience de leurs intérêts communs en tant qu’individues de sexe féminin. Pour un grand nombre de ces femmes, ce mouvement est ce qui se rapproche le plus d’une prise de conscience féministe après que le libéralisme, sous couvert de « justice sociale », ait perverti et récupéré à son bénéfice les analyses des féministes radicales de la deuxième vague, basées sur le matérialisme de classe, et donnant lieu au funeste « féminisme » de la troisième vague, dit « féminisme libéral ». La théorie queer, ou le constructivisme social derrière ce prétendu « féminisme » libéral, a idéologiquement « réifié » des relations de pouvoirs préalablement identifiées comme des constructions sociales et milite depuis des décennies pour légitimer cette vision du monde quasi religieuse. C’est ce qui se passe avec la notion « d’identité de genre », d’abord idéologiquement réifiée et venant maintenant remplacer la réalité matérielle du sexe aux yeux de la loi, et invisibilisant ainsi au bénéfice du patri/viriarcat les relations d’exploitation bien réelles sur la classe sexuelle des femmes.
Un évènement Let Women Speak
Le rejet du biologique
D’où vient le rejet du biologique ayant conduit une partie du féminisme à être phagocyté par l’idéologie trans – la dernière version du patriarcat sévissant actuellement ? Il est important de comprendre que le combat des féministes de la deuxième vague contre l’essentialisme patriarcal (« un utérus, une destinée ») ayant conduit une partie de celles-ci (mais non les éco-féministes) au rejet de la biologie a en même temps servi de cheval de Troie à l’introduction de la théorie queer (pro-transactivisme, pro-pédophilie…) en plein cœur du féminisme, ouvrant la porte à sa récupération par les dominants. En effet, certaines féministes ont associé la biologie aux idéologies « sociobiologiques » et « évo-psy » depuis Herbert Spencer, qui ont cherché à justifier la subordination des femmes par leur biologie et leur capacité reproductrice. Comme le retranscrit très justement la philosophe Jeanne Burgart Goutal, dans sa préface à la traduction du livre de Susan Griffin, La femme et la nature :
Après des décennies de déconstruction, en serions-nous encore à ce cliché rebattu, selon lequel « la femme » (au singulier exaspérant) serait plus proche de « la nature » (un mot devenu éminemment problématique) ? En 1977, déjà, alors que ces thèmes flottaient dans l’air du temps (le livre de Griffin est de 1978), l’une des féministes invitées par le groupe « Femmes » des Amis de la Terre à une réunion « Féminisme et écologie », organisée dans l’espoir de tisser des passerelles entre ces deux mouvements, déclarait ainsi : « Je ne suis pas pour le retour à la nature, on a eu trop de mal à échapper à cette contrainte, à lutter contre la nature marâtre. […] Les femmes ont toujours été renvoyées à cette idée qu’elles étaient le corps, la chair. Moi je refuse de dire : les femmes, c’est la vie. Tu nous remets en chose avec la Terre-Mère. »
À force d’avoir voulu se « séparer » de la nature et de l’immanence à laquelle les philosophies dualistes patriarcales ont assigné les femmes, tandis que l’homme se voyait comme « esprit, rationalité et transcendance », une partie de nos aînées féministes sont tombées dans le piège du constructivisme social.
Jane Clare Jones, dans son essai feminism is not identity politics (« Le féminisme n’est pas une politique identitaire ») revient sur ce rejet et constate avec pragmatisme :
Il n’est pas nécessaire d’être une partisane pure et dure de l’ardoise blanche pour pouvoir imaginer que la reproduction humaine n’a pas besoin d’être organisée en familles nucléaires patriarcales, et dans lesquelles les mères sont socialement isolées, exclues de la vie publique, financièrement dépendantes des hommes et vulnérables au contrôle coercitif et aux violences masculines (…). Que nous puissions suivre la voie du féminisme et nous organiser socialement pour soutenir la dyade mère-enfant, tout en soutenant l’accession au statut de personne à part entière et à l’épanouissement des femmes semble hors de question pour celles qui sont attachées au type de pensée « ou bien/ou bien » [« ou bien nous nous condamnons à la famille nucléaire patriarcale, ou bien nous devons accepter une techno-dystopie abolitionniste du sexe grâce aux bébés conçus en exomatrices »], et dans laquelle les deux options s’avèrent être deux versions du patriarcat.
Le rejet du biologique est d’autant plus ancré en France que ni le féminisme matérialiste étasunien ni le « féminisme spirituel » (Goddess feminism), nonobstant les écueils de ce dernier, n’y a jamais fait son chemin. Les pensées subversives et capitales du féminisme radical n’ont jamais été traduites en Français. Andrea Dworkin, que vous connaissez toutes, est une penseuse importante, mais ne représente qu’une mince part de ce courant. Vous trouverez des extraits d’autrices et philosophes féministes radicales sur Le Partage et Tradfem. Chez nous, la philosophe conservatrice Elisabeth Badinter fit le grand écart sur les principes de son milieu social pour aller jusqu’à nier toute relation entre la capacité à créer la vie dans son corps et le fait que cette spécificité se traduirait d’une manière ou d’une autre en des comportements reproductifs.
Elle rejetait catégoriquement la notion d’instinct maternel. Il est très juste de rejeter la notion « d’instinct matérnel », cependant Badinter la rejette pour les mauvaises raisons, puisqu’elle rejetait aussi la matérialité de notre sexuation, le fait de notre corps sexué, et des comportements reproductifs. Sarah Blaffer Hrdy lui a répondu en synthétisant ses décades de recherches en primatologie et anthropologie que la notion d’instinct maternel était effectivement trompeuse. Si elle conçoit cette notion comme une erreur de perspective et un biais patriarcal, elle n’a toutefois jamais dit que la sexuation ne se traduisait pas dans nos comportements reproductifs. Étant donné la difficulté à se débarrasser de cette notion ancrée, nous dit Hrdy, il vaut mieux parler d’instincts maternels au pluriel.
Car ce qu’il faut réellement entendre, ce n’est pas un « instinct maternel » de protection coûte que coûte de l’enfant (ou de l’embryon) au péril de la propre vie de la femelle (rappel : le droit à l’IVG était en jeu), mais un comportement lié à une « stratégie de reproduction ». C’est la stratégie reproductive et non un « instinct maternel » qui se traduit par des comportements et par la manière dont vont s’organiser les sociétés humaines. Ceci explique pourquoi il y a eu tant d’organisations sociales humaines différentes, dont égalitaires et matrilocales, et malheureusement patriarcales et patrilocales, ces dernières ayant colonisés et exploité toutes les autres. Dans le monde naturel, la diversité n’a pas été effacée. Aucun groupe de primates n’est allé ni patriarcaliser ni exploiter ses cousins égalitaires ou matriarcaux (sauf en captivité, où des primates vont développer des hiérarchies différentes, sous coercition, qui n’existaient pas en liberté. Peut-être que la civilisation a eu cet effet sur nous).
Ce que nous dit Hrdy, c’est que la stratégie de reproduction est effectivement un « instinct ». Et que cet instinct poussera les mères à l’infanticide, lorsque l’enfant n’a pas de chance de survie ou met la mère en danger : par exemple, dans certaines sociétés de chasse-cueillette, une femme qui tombe enceinte tandis qu’elle allaite encore son premier enfant ne voit pas l’évènement comme une issue positive pour la survie des deux enfants. C’est pourquoi le second sera tué à la naissance. Les nouveau-nés ne sont pas nommés avant quelques mois (ou années) pendant lesquels ils ne sont ni considérés comme membre du groupe ni comme des personnes même lorsqu’ils sont voulus. Car les maladies ou d’autres tragédies peuvent les emporter en bas âge. Mais justement, ce ne sera pas vécu comme une tragédie : ce n’était tout simplement pas son temps et la forêt l’a rappelé ; ou bien, la femme a donné naissance à un esprit serpent, oiseaux ou poisson dont elle doit rendre l’esprit. Le corps du bébé sera donné à la rivière, à la forêt où à tout endroit considéré comme sa réelle demeure.
Nous sommes loin de la notion patriarcale d’instinct maternel puisque c’est bien l’instinct « reproductif » qui pousse la mère à l’infanticide. L’instinct maternel est une notion patriarcale qui vise à rendre contre nature et punissable le fait pour une femme de ne pas vouloir d’enfant — qu’elle n’en veuille pas maintenant ou jamais. C’est bien pourquoi les féministes se sont méfiées de l’essentialisme et des naturalisations patriarcales.
Aujourd’hui, dans nos sociétés industrielles, l’avortement ou la contraception sont des stratégies de reproduction. De nombreuses femmes, sous l’exploitation et l’oppression systémique, tentent d’aménager leur oppression en planifiant la venue de l’enfant au moment le plus opportun pour elles-mêmes et pour la survie de celui-ci. Évidemment, une société non oppressive pour les femmes serait une société où elles n’ont pas besoin de contraception et d’avortement. Une société où la sexualité n’est pas centrée autour de l’éjaculation masculine et où le viol n’existe pas. Mais laissons cela de côté et revenons à la peur du biologique.
Femelles langurs, connues pour leur propension à l’infanticide lors de l’arrivée de nouveaux mâles forts dans le groupe.
Ce qui nous amène à la réintégration du biologique dans le féminisme, débarassée des biais masculinistes et patriarcaux. C’est sur leur différence sexuée, sur leur biologie que se fonde l’exploitation patriarcale. Refuser la biologie, c’est rendre toute analyse matérialiste de classe impossible.
Déqueerifier le féminisme et revenir à la réalité matérielle
Un peu plus loin, Jane Clare Jones poursuit :
Une analyse matérialiste de classe bien pensée et empiriquement fondée doit être attentive au rôle de la culture et de la nature, de l’histoire et de la biologie. En effet, croire qu’il faille entièrement effacer la nature ou la biologie par crainte du déterminisme biologique [« puisque tu as la capacité de tomber enceinte alors la reproduction sera ton destin et ton seul horizon »] et miser tout l’édifice sur une construction sociale extrême [le « constructivisme social » de la théorie queer] enlève tout matérialisme à « l’analyse matérialiste » et conduit tout droit à l’idéalisme représentatif [aux signes astro-sexologiques], et à la perte concomitante de l’analyse de l’exploitation [et de l’oppression], que nous observons dans l’activisme moderne de la « justice sociale ». En l’absence d’une compréhension basée sur classe matérielle [du sexe], ce qui nous reste, c’est l’identité.
Il est grand temps d’effondrer les châteaux de cartes montés dans les nuages de l’idéalisme patriarcal. En termes simples, de rejeter les absurdités conceptuelles produites par des universitaires déconnectés du monde réel et enfermés dans l’entre soi de l’académie et des clubs BDSM. Mais pour cela, il ne suffit pas de le dire, faut-il encore se soumettre à l’épreuve de Brandolini et montrer en quoi leurs idées sont absurdes : les médias qui appartiennent aux dominants, contrôlent les récits délivrés au public et offrent carte blanche aux délires des idéologues queers et trans, consanguins, tels que Preciado, Bahafou et Froidevaux-Metterie, ces dernières étant les nouvelles championnes des élucubrations délirantes. La tâche est donc sisyphéenne. Notons bien qu’il s’agit de trois femmes dont deux au moins s’identifient comme féministes. Nous sommes donc forcées d’aller sur leur terrain immatériel et pointer les incohérences de leurs raisonnements. Il est impossible de le faire point par point, car leurs élucubrations sont infinies, mais il faut au moins le faire pour les grands principes, aussi vagues fussent-ils (et elles capitalisent évidemment sur ce « flou artistique ») de leur récit. Voici pour Bahaffou, voici pour Preciado et pour Froidevaux Metterie. Tâchons de garder les pieds sur terre ce faisant.
Lorsque vous supprimez la réalité matérielle d’une analyse de classe, ce qu’il vous reste, c’est « l’identité », l’essence immatérielle, la construction culturelle. Et l’identité, c’est en quelque sorte la chemise de l’esprit. Cela s’adopte, se change, se lave, se quitte ou s’abandonne. Et ce n’est pas parce qu’un autoproclamé « baisologue » (« fuckologist ») du nom de John Money a juxtaposé le qualificatif « sexuel » à « identité » que cela se réfère à quelque chose de réel. La notion même d’identité sexuelle est essentialiste : elle se fonde sur des stéréotypes sociaux. L’identité sexuelle, c’est un archétype culturel qui rassemble le sexe d’une personne, son orientation sexuelle (et non ses « préférences »), ses goûts vestimentaires, ses traits comportementaux… En sommes, des stéréotypes sexistes, misogynes et homophobes associés à l’orientation sexuelle (caractérisée relativement au sexe) d’une personne. Retirez de ceci le sexe et détachez-en l’orientation sexuelle, et le résidu obtenu sera le genre : un ensemble de stéréotypes sexistes, misogynes et homophobes associé à des goûts vestimentaires et des traits comportementaux.
Votre « identité », si d’aventure vous en revendiquiez une, dépendra de votre culture et même des niches de sous-cultures dans lesquelles vous évoluez. L’orientation sexuelle, en revanche, ne dépend pas de votre culture, mais de la manière dont votre orientation sexuelle sera (ou « est ») considérée différera en fonction de la culture. Vous, vous ne pouvez pas changer d’orientation sexuelle. Votre orientation sexuelle est déterminée, tout comme votre sexe, que vous l’acceptiez ou non. Vous ne pouvez pas vous identifier comme hétérosexuel lorsque vous commencez à être sexuellement attiré par les hommes à l’adolescence. Dans une société homophobe, vous pouvez refuser de reconnaître votre attraction pour les hommes. Vous pouvez vous haïr, vous pouvez haïr les autres homosexuels, vous pouvez prétendre que vous êtes attirés par les femmes, vous pouvez épouser une femme et la mettre enceinte en performant du sexe hétérosexuel tout en pensant à votre dernier crush, un jeune homme. Mais vous ne pouvez pas vous identifier hors de votre sexualité. Vous ne pouvez que prétendre être quelqu’un d’autre. En revanche, si vous êtes un homosexuel ayant intériorisé son homophobie, vous pouvez maintenant prétendre que vous êtes une femme hétérosexuelle et être pris au sérieux par les institutions et la société dans son ensemble : les sociétés viriarcales sont effectivement homophobe et « transitionner » les hommes homosexuels en « femmes hétérosexuelles » est un moyen de préserver la pureté de la masculinité virile.
J’ajouterais que le fait que la majorité des femmes — dans une société où la misogynie est institutionnalisée — soient hétérosexuelles est bien la preuve que nulle ne choisit son orientation sexuelle. Croyez-moi lorsque je vous dis que je souhaiterais très fort être lesbienne. Vous pouvez en revanche, si vous êtes une femme hétérosexuelle, vous identifier comme une « lesbienne politique ». Cela ne fera pas de vous une femme sexuellement attirée par les femmes. Cela signifie simplement que vous allez consacrer votre temps et votre attention aux femmes seulement. Mais le lesbianisme politique n’est pas une orientation sexuelle. Il s’agit effectivement d’une identité culturelle que vous pouvez adopter à un moment de votre vie et quitter ensuite — enfin, si vous êtes parvenue jusqu’ici, il serait dommage de désister.
« Mon corps est très attiré par ton corps, mais quand tu parles, mon cerveau se met en colère. »
Le constructivisme social extrême
Une fois que les hommes (et leurs servantes male-identified, telle Judith Butler et les trois pseudologues citées plus haut) ont passé la matière (le sexe) à la moulinette du constructivisme social (les stéréotypes misogynes), ils vont réifier ces constructions sociales et les « naturaliser ». En philosophie, ceci est de l’« idéalisme représentatif » (une énième nuance d’essentialisme). Il s’agit de constructivisme social extrême substitué au réel, soit une vision du monde développée par des hommes dont la pensée et la personnalité ont été façonnées par le contrôle coercitif qu’ils exercent sur eux-mêmes, sur les autres hommes et sur les femmes, jusqu’à la psychose. Le contrôle coercitif au fondement du patri/viriarcat méritait bien évidemment un post à part entière. Ces grands « penseurs » sont incapables de distinguer entre fantasme et réalité. Martin/Martine Rothblatt l’illustre avec son transhumanisme abracadabrant. Les hommes qui ont impulsé l’activisme trans souffrent de troubles mentaux et psychosexuels induits par la civilisation patri/viriarcale de contrôle et d’exploitation. Ils abhorrent la réalité, craignent par-dessus tout la vérité, et tentent depuis toujours de les masquer. Ce sont des hommes malades, puissants, contrôlants et paraphiles, qui s’identifient à la classe sexuelle opprimée par simple auto-déclaration, comme le dieu biblique déclarant « et la lumière fut ». (Combien d’hommes ne sont-ils pas rendus malades par cette civilisation, combien d’hommes peuvent être sains d’esprit dans notre culture ? La question est ouverte.) Ces hommes-là veulent vous faire croire qu’ils sont des personnes opprimées, des victimes souffrant de « dysphorie de genre ». J’ai développé ce sujet dans la critique des définitions des mots « sexe, mâle, femelle, genre et transsexualisme/transgenrisme » données dans l’annexe C du rapport de la 2ème « Conférence internationale annuelle sur le droit et la politique de l’emploi des personnes transgenres » (International Conference on Transgender Law and Employment Policy, 1993, ICTLEP).
Si ce n’est toujours pas clair pour vous (et nul ne vous en tiendra rigueur), imaginez que l’idéalisme représentatif est apparu comme suit : Les étudiant·es en gender studies (ayant supplanté les women’s studies) des universités américaines, lesquels partaient d’une analyse matérialiste des rapports de pouvoir établie par leurs aînées féministes (lesquelles avaient eu une vie difficile et riche d’expériences aux poings des hommes, contrairement à ces premiers) tenaient aux subventions et bourses que leur accordaient l’institution patriarcale, et ont ainsi progressivement renversé cette analyse dangereuse pour les véritables dominants : elles et ils en sont arrivés à prendre des essences pour la réalité après avoir « philosophiquement » aboli cette dernière.
Le raisonnement fut le suivant : les rapports d’exploitation se fondent sur le sexe (réalité matérielle), ils se traduisent dans les rôles sociaux attribués selon le sexe, appelons ces rapports/rôles hiérarchiques sociaux « le genre » (construction sociale). Vous fumez un gros pétard, vous allez faire un tour dans un club BDSM avec votre professeur de philosophie post-moderne, puis vous retournez à votre analyse : « C’est le genre qui précède le sexe ! » vous exclamez-vous, enchaînant très vite avec « le genre est réel, le sexe est une construction sociale. » En effet, c’est parfaitement illogique.
Conclusion : il s’agit d’une récupération masculiniste de l’analyse matérialiste de classe précédemment faite par les féministes radicales. Ils ont enlevé le matérialisme à l’analyse (ce qui reste, c’est le constructivisme social) puis ont réifié son résidu (la construction sociale du genre). C’est cela, l’idéalisme représentatif, c’est un coup de baguette magique de conscience patriarcale sur la réalité. Rien de nouveau aujourd’hui en Patriarquie.
Le femellisme, mouvement identitaire ?
La droite conservatrice
La récupération de l’analyse matérialiste vidée de son sens a pris l’étiquette de « féminisme libéral ». Hélas, il n’y a rien de féministe dans le « féminisme libéral ». Le femellisme est tout autre chose : les femmes qui ont impulsé le mouvement ne soutiennent aucune forme d’exploitation sexuelle et reproductive des femmes. Rose Rickford, dans son essai « Feminism and Femalism, We Are Not the Same Movement » (« Féminisme et femellisme, nous ne faisons pas partie du même mouvement ») critique Standing for Women, le mouvement racinaire de femmes en lutte contre l’idéologie du genre. Ce mouvement, en redécouvrant l’importance du sexe et des droits sexo-spécifiques, touche ainsi de près à ce qui constitue une conscience de classe sexuelle, et donc, à l’analyse matérialiste de classe, mais sans toutefois en arriver jusque là. Une majorité de femmes pour lesquelles ce mouvement représente leur premier contact avec ce qui se rapproche le plus d’une conscience féministe ont très mal compris — et étaient très mal équipées pour ce faire — la critique de Rickford, interprétant son essai comme de la condescendance de la part de féministes universitaires : « Nous n’avons pas les mêmes valeurs… ». La critique visait pourtant très justement l’un des aspects les plus inquiétants de ce mouvement : la récupération du mouvement par les masculinistes de droite. Lorsque l’analyse matérialiste de l’époque a été vidée de son sens et récupérée par les masculinistes de gauche, le risque du mouvement « femelliste » actuel Let women speak/Standing for Women est sa récupération par les hommes de droite.
Chose qu’ils se sont d’ailleurs empressés de faire : Matt Walsh, avec son film What is a woman, en est l’illustration la plus édifiante. Il est en effet problématique que les femmes de ce mouvement ne sachent pas distinguer l’opportunisme d’hommes misogynes et conservateurs et qu’elles ne s’expriment pas là-dessus. Accepter de s’exprimer sur des plateformes de droite, c’est une chose, et c’est compréhensible : les plateformes de gauche sont toutes noyautées par le transactivisme (le masculinisme de gauche). Toute plateforme de droite offre de la visibilité et peut aller jusqu’à toucher et remettre en question les convictions de femmes de droite ou de femmes antiféministes de droite. Mais rien n’empêche les femmes de Standing for Women de dénoncer la récupération dont elles font l’objet et de statuer sur les différences radicales entre leurs objectifs politiques et ceux de la droite identitaire populiste, qui nécessairement, les renverraient encore une fois en arrière.
Rickford fait par ailleurs remarquer :
le femellisme n’offre rien pour aider les adolescentes à traverser les métamorphoses de l’adolescence en confiance et avec curiosité. Il ne dit rien sur la manière dont les hommes adultes et plus âgés [ainsi que les gamins ayant maintenant accès au porno] sexualisent les filles et les font se sentir en danger simplement parce qu’elles existent. Il n’offre aucune analyse, aucun projet, et aucune voie à suivre [pour l’autonomisation et la libération des femmes, basées sur les recherches et les données ventilées par sexe, afin de présenter des revendications concrètes aux gouvernements, comme le font les organisations féministes comme la Fondation des femmes en France par exemple]. Parlez, femmes, et tout ira bien [Référence au mouvement Let Women speak]. Le femellisme se transforme en rage et en colère contre les membres de la coalition transqueer parce qu’il n’a pas de véritable réponse sociale ou politique aux problèmes qu’ils et elles causent ou qu’ils et elles subissent. Et grâce à cette indétermination générale, le femellisme apparaît familier et sensé pour les traditionalistes sociaux et les conservateurs, flirtant parfois avec un nationaliste avéré par-ci par-là. Sebastian Gorka sait ce qu’est une femme [homme politique chrétien conservateur hypermisogyne et contre l’idéologie du genre, tout comme Matt Walsh].
Rickford a tout à fait raison lorsqu’elle les critique pour ne jamais avoir clairement statué leur position par rapport aux conservateurs, et même d’avoir accepté leur soutien sans réserve. Il est surprenant que Kellie-Jay Keen ne se soit pas plus fermement exprimée sur le fait que les Proud Boys ont assuré la sécurité d’un évènement Let Women Speak. Il n’est pourtant plus à démontrer que les femmes qui parlent sont en danger et que les transactivistes se montrent très violents à leurs égards lors de toutes les manifestations critiques de l’idéologie du genre. Les hommes de gauche sont ceux qui accompagnent les jeunes hommes transidentifiés les plus violents lors de ces manifestations. Ils viennent cagoulés, avec des gants coqués, tout vêtus de noir. D’autres sont très jeunes, des adulescents de la vingtaine que les femmes de Standing for Women les ont surnommés les « Black Pampers », jeu de mots formé à partir de Black Panthers et des couches culottes pour bébés. Mais ils ne sont pas moins violents et agressifs : qui veut protéger les femmes qui militent pour leurs droits, contre l’effacement du sexe et contre une idéologie régressive et homophobe ? Qui reste-t-il ? La police a souvent laissé faire, sans protéger les femmes et KJK a encore une fois été convoquée pour un interrogatoire au poste de police.
Sur le tweet suivant, toutes les femmes, féministes ou non, lesbiennes ou non rassemblées par le mouvement Standing for women.
L’évènement Let women speak du 26/02/2023 : on voit un cordon de sécurité tenu par des femmes d’âge moyen — des femmes seules ! — qui se donnent la main pour empêcher les transactivistes d’interrompre les conférencières. Quelques officiers de police se tiennent devant, mais sans repousser les contre-manifestants, laissant une foule d’hommes hurler au visage de toutes ces courageuses femmes : nous sommes très loin d’une sécurité assurée par les Proud Boys n’est-ce pas ? Plusieurs commentatrices font remarquer qu’habituellement, la police se charge de tenir les contre-manifestants à distance, mais que la règle ne s’applique manifestement pas lorsqu’il s’agit des femmes.
Les transactivistes hurlent : « Smash a TERF, a fascist bleeds » soit « si tu tabasses une TERFs, c’est un fasciste qui saigne ». Dans l’idéologie trans, une TERF est une « féministe radicales excluantes des trans ». De nombreuses féministes, fatiguées de devoir toujours expliquer que les seules personnes qu’elles veulent exclure de leur droits sexo-spécifiques, ce sont les hommes (biologique), ont fini par se réapproprier l’insulte et se dire « TERF » en changeant la signification des initiales (« tediously explaining reality to Fuckwitz » soit « expliquer sans relâche la réalité aux illuminés », etc.). Les Transactivistes, hommes contrôlants et violents, chantent ainsi des incitations à la violence contre les femmes devant la police et sans que celle-ci intervienne. KJK a fait remarquer sur Tweeter que parce qu’elle avait dit que les hommes ne pouvaient pas être des femmes, elle a été soumise à un interrogatoire de police d’une heure, mais que les hommes qui incitent à tabasser les femmes sous le nez de la police ne sont pas inquiétés le moins du monde.
Lors d’un autre événement Let women speak, une conférencière complètement illuminée, qui prétend lire l’avenir grâce à l’hypnose, a pris la parole (c’est ainsi que ces événements fonctionnent : rien n’est programmé à l’avance, les femmes viennent et parlent). Cette femme, Lisa Morgan, a cité Mein Keimph de Hitler pour parler du transactivisme comme étant « le grand mensonge », « the lie, the big lie » sans ironie aucune. Suivant cet évènement, les TRAs, qui traitent les féministes de nazies parce qu’elles refusent de se plier au mythe de l’identité de genre et à l’effacement de leur sexe, et qui les accusent de « génocider les personnes trans » (les seules personnes qui tuent les hommes transidentifiés sont d’autres hommes transidentifiés dans le cadre de rivalités de territoire dans la prostitution ou des clients de la prostitution ou leurs partenaires hommes, et cela se passe au Brésil), ont évidemment eu beaucoup de grain à moudre avec cet incident. Dans les heures et jours qui suivirent, nulle excuse, nulle déclaration publique de la part de Kellie-Jay Keen, que ce soit sur son compte personnel ou sur celui de Standing for women (@StandingforXX). Était-ce si difficile ? Il est tout de même grave que la figure de proue du mouvement n’ait pas trouvé à redire sur ce sujet, ne fût-ce qu’un tweet, afin de passer à autre chose
Le reproche de populisme
S’il est juste de dire que le mouvement développé en Angleterre et en Écosse n’a pas de projet de « réforme politique féministe » à proprement parler, il est cependant faux de dire qu’il n’a pas d’objectif, en cela, la critique Rickford se révèle quelque peu injuste. Deux objectifs sont poursuivis en parallèle à travers la protection du sexe : le premier est de combattre les réformes pseudo-progressistes qui ont été mises en place et qui sapent les quelques conquis politiques que les féministes de la deuxième vague avaient obtenus pour améliorer la condition des femmes — dans une société viriarcale organisée pour et par l’homme en tant que citoyen par défaut — et menaçant également la santé et la vie future de leurs enfants. Le second est la protection des droits des personnes homosexuelles et des enfants dits « non conformes au genre », lesquels, sans cette idéologie délétère, deviendraient en majorité des adultes homosexuels en bonne santé. Il est important de noter que ces circonstances de backlash misogyne extraordinaires (l’idéologie du genre est issue des spiritualités patriarcales dualistes positionnant une séparation entre l’esprit supérieur et le corps subalterne, dit « prison de chair ») représentent pour de nombreuses femmes leur première rencontre avec un mouvement porté par une majorité de femmes, et centré sur les femmes et leurs enfants. C’est pourquoi je le répète encore. Des femmes qui demeuraient toujours plus ou moins dans l’ignorance de l’organisation de leur exploitation systémique ont développé grâce à ce mouvement un début de conscience féministe de classe.
Pour rappel, les réformes qui ont abouti à nos droits sexo-spécifiques ont été férocement combattues en leur temps. Aujourd’hui, ce sont les mesures liées à la lutte contre les violences masculines faites aux femmes qui sont combattues en étant négligées ou non appliquées. Il s’agit du front féministe actuel, essuyant l’horrible retour de bâton qui se traduit au niveau international dans la manière dont la justice patriarcale a traité Amber Heard. Cet avertissement s’adresse à toutes les femmes et signifie « gare à vous si vous osez parler, voilà ce qui va vous arriver. » Si vous vous êtes laissées embrigader par la propagande masculiniste, il est temps pour vous de regarder « La fabrique du mensonge S3 : Affaire Johnny Depp/Amber Heard - la justice à l’épreuve des réseaux sociaux ». Autre exemple, la manière dont les policiers traitent les femmes qui parviennent à rassembler leur courage pour aller porter plainte contre des agressions sexuelles, ou la manière dont les députés masculins traitent les députées à l’assemblée en recourant aux intimidations sexistes (en Bolivie, c’est devenu un délit[1]), ou encore la manière dont les pouvoirs publics négligent de consulter les femmes et de s’appuyer sur des données ventilées par sexe pour décider de politiques publiques qui bénéficient en grande majorité aux hommes et aux garçons en pénalisant les femmes — celles-ci exécutant toujours la majeure partie du travail domestique non rémunéré, l’élevage des enfants et les soins aux parents âgés. Il est impossible de lutter contre une exploitation que l’on ne voit pas, dans laquelle nous baignons sans pouvoir l’analyser concrètement. C’est ici que vient le travail des féministes : en France, la Fondation des femmes et Lucile Peytavin y pourvoient. Caroline Criado Perez également, avec son analyse de données assemblée dans Femmes invisibles.
Le mouvement « Let Women Speak / Standing for women » ne vise qu’à restituer les droits des femmes basés sur le sexe aujourd’hui dangereusement menacés par le nouvel avatar patri/viriarcal de l’idéologie de l’identité de genre. Si ce mouvement rassemble autant de femmes avec des consciences politiques très inégales et dont la majorité n’a pas de connaissances historiques sur le féminisme, c’est justement parce qu’il ne s’agit pour l’instant que d’un mouvement populaire au travers duquel de nombreuses femmes commencent à conscientiser leurs intérêts propres en tant que femmes, en tant que classe sexuée. Nombreuses sont celles qui montrent des résistances : la meneuse charismatique Kellie-Jay Keen Minshun la première. Elle répète sur la défensive qu’elle n’est pas féministe, qu’elle est mère de 4 enfants avec 25 ans de mariage. Elle se bat pour les droits des femmes, dit-elle, mais elle n’est pas féministe.
« Je ne suis pas féministe, mais je sais ce qu’est un homme »
« Je ne suis pas une féministe, [je me bats pour] les droits des femmes »
« En bref, pourquoi je ne suis pas une féministe »
« Pour rappel, je ne suis pas féministe »
L’insistance de KJK sur le fait de ne pas être féministe répond à l’angoisse d’une majorité de femmes : elles ont peur d’en demander trop, elles ont même peur de penser trop loin. KJK s’est découvert une conscience de classe sexuée au travers de ce mouvement qu’elle a insufflé de sa juste colère, motivée par la protection de ses filles contre les bouchers d’enfants et les hommes paraphiles qui veulent accéder aux femmes et aux filles. C’était une femme de droite avec 3 enfants, aujourd’hui 4, comme elle ne cesse de le dire. Justement, la question n’aurait-elle pas commencé à l’effleurer, en voyant la force du mouvement qu’elle a contribué à créer ? Elle a eu l’occasion de s’entretenir avec nombre d’éminentes féministes radicales (de gauche, cela va sans dire), dont Sheila Jeffreys, Julia Long et Julie Bindel. Nous ne connaissons pas ses pensées les plus intimes, les tourments, les doutes qui ont pu naître en elle, une fois au contact de la conscience féministe. Et si elle n’avait pas eu autant d’enfants ? Et si elle avait pu croiser la route de ces femmes extraordinaires lorsqu’elle était plus jeune ? Et si elle avait pu quitter son mari et être financièrement autonome ? Mais c’est trop tard maintenant, elle ne peut pas se laisser aller à imaginer cette autonomie. Ce pour quoi elle martèle qu’elle n’est pas féministe, et qu’elle est « a mother of four » (« quatre fois mère »). Nous ne savons donc rien de ses pensées intimes, mais nous connaissons les convictions qui l’animent, nous savons que KJK sait ce qu’est une femme, peu importe la manière dont ladite femme s’identifie, peu importe sa religion, peu importe la manière dont elle a aménagé son oppression, qu’elle revendique le « travail du sexe » sous emprise d’un homme abuseur ou qu’elle siège aux plus hautes sphères du pouvoir politique en s’identifiant à la culture viriarcale, telle Nicola Sturgeon en Écosse, ou qu’elle soit récompensée pour sa fidélité et son service à la culture viriarcale comme Froidevaux Metterie ou Lauren Bastide.
Pour résumer, KJK et les femmes qui sont venues grossir son mouvement, féministes de gauche ou non, se battent pour restituer le statu quo de nos droits basiques et si difficilement conquis (le retour au droit sexo-spécifiques, l’importance du sexe), mais sans pour le moment aboutir à une analyse de classe. Nul ne doute qu’elles aient réalisé bien des choses en chemin, notamment sur la condition des lesbiennes et des homosexuels, qu’elles se soient informées sur les désordres du développement sexuel et tout un tas de connaissances de manière à comprendre comment le transactivisme procède pour détruire nos droits. Mais une véritable conscience féministe nécessite des données moins faciles d’accès, car réellement dangereuses pour le statu quo. La grande absente est toute une culture de recherches féministes pouvant les amener à revendiquer des mesures politiques et leur application concrète pour répondre à leurs besoins en tant que femmes et mères, pour permettre l’autonomie financière des mères et réduire les écarts de pouvoir économique et politique entre les hommes et les femmes.
C’est le principal reproche qui est fait au mouvement par The Radical Notion. Vu de loin, ce mouvement n’aurait rien de bien révolutionnaire. Ce serait un mouvement populaire de sens commun : tenir les hommes hors des espaces des femmes, hors des prisons, hors des refuges pour accueillir les femmes victimes de viol et de violences masculines, hors des sports de catégorie féminine, hors des vestiaires et des toilettes, et que l’éducation nationale cesse d’enrôler les enfants dans un ensemble de croyances religieuses délétères à leur épanouissement et les catapultant sur une médicalisation à vie. Et pourtant, il n’y a que quelques décades, lorsque nos aînées se sont battues pour obtenir des moyens de manière à compenser les violences masculines, une partie de ses revendications étaient révolutionnaires. Aujourd’hui, ce qui est révolutionnaire, c’est de refuser d’accompagner les violences masculines, qu’elles viennent d’hommes transidentifiés ou d’hommes traditionnellement misogynes, et de souhaiter les abolir. Mais au lieu de nous y appliquer, nous sommes retenues par un backlash misogyne qui nous force à nous battre pour des droits que nous étions déjà censées avoir conquis.
Nombreux sont les hommes conservateurs d’aujourd’hui qui trouvent une partie de tout ceci fort raisonnable, là où les conservateurs d’hier s’offusqueraient que toutes ces mesures aient pour effet de dissuader les femmes de sortir de la cuisine, de divorcer de leur mari (devenir lesbiennes) et de prendre part — horreur ! — à la vie publique. C’est aujourd’hui pour certains conservateurs non « réactionnaires », la moindre des choses. Quant aux réactionnaires, vous les trouverez toujours en position latérale de sécurité parce que les femmes ont le droit d’avoir leur propre compte en banque et le droit de travailler (mais est-ce réellement un droit, que celui de pouvoir être exploitée en civilisation patriar-capitaliste ?).
En outre, ce mouvement vise également à protéger l’homosexualité et les enfants qui sans la mise en œuvre de cette idéologie nauséabonde dans les écoles primaires, ces enfants que les adultes jugent « non conformes au genre », c’est-à-dire, non conformes aux rôles sociosexuels avec lesquels les adultes sont eux-mêmes formatés et par lesquels ils nourrissent leurs attentes envers les comportements et les goûts de leurs enfants, seraient devenus pour la plupart des homosexuel·les en bonne santé (ou des hétérosexuel·les avec une personnalité). Le mouvement critique du genre est contre les thérapies de conversion que constitue réellement le « modèle affirmatif du genre ». Il est à noter que Standing for women/le femellisme soutient les droits des personne[19] s homosexuel·les en vertu de leur attirance pour les personnes du même sexe, attirance que l’idéologie du genre rend « transphobes » en vertu de ce qui devient des « préférences génitales » de la part des homosexuel·les transphobes. KJK et son mouvement reçoit de nombreux soutient de la communauté LGB et même T, pour les transsexuels dont le parcours et la transition sont effacés par cette idéologie en même temps que la réalité du sexe. En se sens, le transactivisme dont l’idéologie dépend des rôles socio-sexuels traditionnels et des pires stéréotypes sexistes, lequel, ne s’arrêtant pas en si bon chemin, prône la conversion (transition) des enfants non conforme aux attentes socio-sexuelles et qui en majorité deviendraient gay en enfants transidentifiés et futur « trans-hétérosexuel » est en cela très proche de l’extrême droite.
Les homosexuel·les en soutien de Standing for women demandant aux autres de faire leur coming-out pour KJK :
M Menno est un gay « fabulous » qui soutient le mouvement depuis le début, Julia Long est une lesbienne féministe radicale.
Le reproche d’élitisme
En retour, le mouvement de femmes femelliste Standing for women reproche aux féministes radicales universitaires d’être élitistes et de se désintéresser des luttes et difficultés quotidiennes des femmes simples, ce qui ne peut pas être plus éloigné de la vérité : l’analyse féministe radicale est une analyse matérialiste, ancrée dans les besoins quotidiens des femmes. Cependant, la tâche de décortiquer et démonter les élucubrations philosophiques patriarcales, les mythes et grands récits médiatiques par lesquels les dominants attaquent et érodent les luttes des femmes leur revient. Et c’est un combat nécessaire. L’un ne peut pas aller sans l’autre. La tâche leur revient également de dénoncer les tentatives de récupération par la droite conservatrice, que les femmes du mouvement femelliste ne peuvent percevoir, ou refusent de percevoir, dépassées par l’urgence.
Rickford remarque :
Le femellisme a positionné les féministes comme une sorte d’élite protégée, trop intéressée par l’histoire, la politique et la théorie, trop préoccupée par la libération des femmes pour se donner la peine de défendre leur définition, et trop cultivée pour chercher à se faire comprendre. « Fille de tête », professionnelle, mangeuse de quinoa, condescendante… des féministes élitistes, et donc, à la fois détestable et sans intérêt. Les ennemis ou les Autres des populistes autoritaires sont toujours à la fois trop puissants et trop minuscules pour qu’on prenne la peine de les regarder en face. Le femellisme, comme tout autre populisme de droite, dit à ses adeptes qu’ils n’ont pas besoin de savoir ou d’apprendre quoi que ce soit. En fait, l’idée même qu’ils devraient apprendre quelque chose est indigne — c’est embarrassant de devoir apprendre des choses, n’est-ce pas ? Apprendre demande une certaine humilité, mais cela n’est embarrassant que si l’on vous a appris que l’humilité est un signe de faiblesse. J’ai par exemple appris beaucoup de choses en peu de temps sur le populisme et le Populisme avec un p majuscule pour produire cette rubrique.
Les femmes ne doivent pas se tromper d’ennemies. Les féministes historiennes et académiciennes (indépendantes*) d’aujourd’hui sont le garde-fou du nouveau mouvement racinaire qui s’est formé en défense contre le transactivisme. Elles savent justement comment le transactivisme est arrivé. Si les femmes du mouvement femelliste faillissent à reconnaître la nécessité du front académique, elles nous condamnent à voir se répéter l’histoire encore et encore. Ces querelles doivent cesser. Les femmes du mouvement femellistes doivent être capables de dénoncer les tentatives de récupération des conservateurs et les féministes universitaires doivent reconnaître la force et l’importance du mouvement femelliste surgi pour la défense de nos droits.
Aussi, il est capital qu’autant de femmes qui ne se considéraient pas particulièrement féministes aient pris conscience de la manière dont les gouvernements et les institutions méprisent et ignorent la spécificité de leurs besoins. Ces besoins sont liés aux violences masculines systémiques contre les femmes et les filles, parce qu’elles sont des femmes et des filles (peu importe la manière dont elles s’identifient). Nombreuses sont les femmes qui ont pris conscience de l’importance de leurs besoins spécifiquement distincts de ceux des hommes ainsi que leurs besoins spécifiques d’espaces pour se protéger (elles et leurs enfants) de la violence des hommes à leur encontre.
Toutes les femmes du mouvement femelliste ont compris que leur corps est doté d’un métabolisme et d’une biologie distincte de celui des hommes et que c’est sur cette différence que se fondent leur exploitation par les hommes et l’oppression qui en découle. Que les violences masculines systémiques rendent nécessaires des aménagements spéciaux (sexo-spécifiques) dans l’organisation de leur société, tels que : les toilettes, les vestiaires, les refuges, les prisons, ainsi que des services et des mesures qui ne se contentent pas que d’être des compensations (discrimination positive) servant à aménager leur exploitation. Le mouvement femelliste n’est pas un mouvement identitaire, contrairement au reproche infondé qui lui est fait dans The Radical Notion, il a un potentiel révolutionnaire et nous ne devons pas faillir à le voir.
En conclusion
Le femellisme n’est pas un mouvement identitaire, contrairement à ce qu’en disent les féministes universitaires, il s’agit d’un mouvement de femmes racinaire (grassroots) qui s’est formé en réponse aux attaques portées contre les droits sexo-spécifiques des femmes et des filles par le transactivisme soutenu par la Gauche, les Libéraux, les grands médias, les institutions, les multinationales, les banques, les gouvernements, les ONG et tout ce qui existe en capitalisme, faisant la promotion de l’idéologie de genre et de la transition médicale des enfants. Le femellisme de Standing for Women dans les pays anglophone, et dans une autre mesure, celui de Dora Moutot et Marguerite Stern en France, a rassemblé des femmes de nombreux horizons : des lesbiennes féministes radicales, des féministes radicales (évidemment de gauche ; il s’agit même d’un pléonasme), des féministes anti-capitalistes, des féministes antiracistes, des féministes tout court, des femmes qui se disent non féministes, des femmes de droite mères de plusieurs enfants, des mères célibataires, des femmes victimes de violences domestiques masculines, des femmes victimes de viol, des proffesseures d’université (licenciées ou ayant dû démissionner à cause de la chasse aux sorcières) des femmes en prison, des femmes athlètes professionnelles, etc. Le dénominateur commun de toutes ces femmes, c’est le fait qu’elles sont des femmes et qu’elles ont des besoins sexo-spécifiques liés à leur biologie et à la violence masculine systémique qui les oppresse pour leur biologie, pour leur différence sexuée physique, parce qu’elles sont spécifiquement des femelles humaines adultes ou enfants, peu importe la manière dont ces femmes peuvent s’identifier.
Le mouvement s’est formé dans le chaos et dans l’urgence, il n’y a pas d’organe décisionnaire ou démocratique : les femmes parlent dès qu’elles le peuvent, s’expriment là où elles seront reçues. Et malheureusement, les organisations de gauche, vouées au transactivisme, refusent de les recevoir ou les font canceller et censurer (j’en sais personnellement quelque chose). Le mouvement est maintenant bien avancé dans les pays anglo-saxons, et le temps est venu que les féministes de gauche qui le soutiennent en dénoncent les écueils, le cas échéant. Autrement, ce sont les transactivistes qui s’en chargeront, trop heureux et connaissant pour seul argument le déshonneur par association. S’il a pu être compréhensible que les féministes de gauche se taisent pour ne pas fragiliser le mouvement de femmes naissant, cela n’est plus le cas dorénavant. En France, le femellisme est très loin d’en être au même niveau, le mouvement n’était pas même encore un mouvement, ses fondatrices tentaient tout juste de le lancer. Au pays des Droits sexuels de l’Homme, toute conscientisation de classe sexuée est immédiatement punie.
De même, les femellistes et les femmes qui grossissent les rangs du mouvement Standing for women ne doivent pas se satisfaire d’écarter sous prétexte d’élitisme les universitaires et académiciennes qui combattent l’idéologie sur son terrain « philosophique » et dont l’objectif est de faire comprendre au public que l’empereur est nu. Elles doivent au contraire s’intéresser à l’histoire du féminisme et aux analyses qu’elles ont à leur apporter, pour que ce mouvement de femme racinaire mature et renaisse en un mouvement révolutionnaire de femmes porteur de véritables réformes politiques, au-delà de la ligne de défense de nos droits menacés.
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[1] Depuis 2012, la Bolivie a ainsi fait de la violence politique contre une femme élue ou exerçant des fonctions officielles un délit. En 2016, les Bolivien·nes ont également adopté une loi qui empêche tous les auteurs (masculins) de violences contre les femmes de briguer un mandat politique (Femmes Invisibles, comment le manque de données sur les femmes dessine un monde fait pour les hommes, par Caroline Criado Perez), contrairement à la France qui vient de réintégrer Adrien Quatennens à l’assemblée après qu’il ait été condamné pour violences conjugales.